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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/39

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quand ce héros daignait dormir comme un simple mortel. Étienne entendit et voulut prêter l’oreille ; mais Maurice continuait :

« Et Sophie ! Examine-moi bien ces traits délicats, cette adorable beauté, voilée de souffrance. Edmée Leber a été riche, je t’en réponds, elle, ou son père, ou sa mère. Elle descend de haut. Qu’elle le veuille ou non, elle va rebondir ou mourir. C’est la loi. Entre elle et la femme voilée, lutte mortelle. Nous ne savons pas l’histoire de cette vieille mère malade, toujours triste et douce et qu’on n’a jamais vue sourire ; nous ne la savons pas ; nous la ferons avec du sang et des larmes. Écris, morbleu !

— On a remué dans la chambre de Michel, dit Étienne.

— Es-tu là, volcan ? cria Maurice, moitié railleur, moitié fou. Es-tu là, don Juan, cœur banal, martyr plutôt ! malade des fièvres du siècle ? Es-tu là, Édouard Es-tu là, Francisque de la Gaîté, Albert de l’Ambigu, Raucourt de la Porte-Saint-Martin ?

— Veux-tu que j’aille voir ? demanda Étienne.

— Il n’y est pas. Reste et écris. Ce n’est pas lui qui remue près de nous, c’est le drame, c’est le drame qui va rampant sur la trace du secret. Qui vive ? L’imprévu, l’inconnu, l’impossible ! Fera-t-il jour demain ? Oui, pour ceux qui vivront ; non, pour ceux qu’on va tuer. Celui qui vivra verra, mais l’autre… Le comte a ses limiers, la comtesse a ses créatures. Regarde, ma sœur Anne ! Ne vois-tu point surgir cette figure neutre qui semble glisser dans la vie comme une passion profonde et taciturne qui a pris corps ? Où va-t-il ? que veut-il ? Peut-être ne se doute-t-il de rien, ce marchand, ce bourgeois, cette énigme ! Peut-être nous tient-il tous dans sa main, ce lourd diplomate. Nous