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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/399

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Et André Maynotte répondit :

« Je n’ai pas confiance en votre justice, mais je ne tuerai pas. »

La pendule invisible sonna deux heures. C’était l’instant fixé par M. Mathieu pour l’entrée en scène de ses deux premiers sujets : Cocotte et Pique-Puce.

Un faible grattement se fit à la porte principale qui s’ouvrit aussitôt. Les fausses clefs étaient bonnes et l’on s’en servait comme il faut.

« Fera-t-il jour demain ? fut-il demandé tout bas.

— S’il plaît à Dieu, répondit-on de même.

— Est-ce vous, patron ? »

Il n’y eut point de réplique, mais deux cris s’étouffèrent sous le bâillon, pendant qu’un flot de lumière inondait le logis de M. Champion. Cette lueur soudaine montra Pique-Puce et Cocotte déjà garrottés. Leurs visages étonnés disaient clairement qu’ils ne s’attendaient pas à ce funeste accueil. Derrière eux, des têtes d’agents moutonnaient dans le salon de M. Champion et se tendaient curieusement en avant.

Parmi ces braves têtes vous eussiez reconnu sans doute deux ou trois profils de nos joueurs de poule. Comme tous les endroits où l’on conspire, l’estaminet de l’Épi-Scié contenait sa quote-part de loups apprivoisés.

Mais ceci est le détail. La lumière éclairait des visages et des choses qui nous importent bien autrement.

D’abord la caisse Schwartz, l’ancienne caisse Bancelle, énorme et lourde armoire de fer que nous voyons pour la première fois, quoiqu’elle ait servi de pivot à notre récit. Sa porte grande ouverte présentait une épaisseur métallique de quatre doigts et semblait faite pour défier le canon. Un luxe surabondant de gigantesques serrures, dont l’acier poli brillait, formait saillie au revers du battant et croisait en tous sens ses