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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/64

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condriaque, même un peu poitrinaire, voulait acquérir dans le midi de l’Europe une résidence d’hiver. Il prétendait avoir trois ou quatre lieues carrées, disait-on, et fonder sur ces terrains un domaine comme on n’en vit jamais. Or, l’héritage du colonel était de taille à le satisfaire, puisque, partant des montagnes, cet héritage allait rejoindre la mer à travers de vastes forêts. Le colonel n’avait plus que ce patrimoine, au dire des gens du club, qui ajoutaient que les deux compagnons de voyage allaient jouer sur place une colossale partie de backgammon dont le domaine serait l’enjeu.

Le colonel ne reparut plus à Londres où la légende des Habits-Noirs tomba graduellement à l’état de conte à dormir debout.

Aucune capitale européenne ne prononçait à cette époque le nom de l’Habit-Noir, qui flamboyait, au lointain de la mythologie brigande comme les grands noms de Cartouche, de Mandrin et de Schinderhannes. Tout à coup, vers l’année 1821, les journaux le ressuscitèrent. L’Habit-Noir était dans les prisons de Caen pour le meurtre d’une dame anglaise, l’ex-comédienne Sara Butler, veuve de John Mason, Esq.

John Mason était donc mort ? Je ne dis pas tout, mes jeunes maîtres, mais, si vous voulez de plus amples renseignements, il y a un homme, un honnête homme, qui a vécu quinze ans de sa vie avec les gens de police et les voleurs… »

M. Bruneau s’arrêta ici pour reprendre haleine. Sa joue était très pâle et des gouttes de sueur perlaient à ses tempes.

Étienne et Maurice écoutaient avec une curiosité maladive ce récit qui semblait calculé pour éperonner l’attention en la promenant loin du point de départ. On était assurément à cent lieues de leurs pères, le