Aller au contenu

Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tu vu des morts ? Moi, j’aurais voulu voir la morte : je rôdais aussi. J’ai entendu L’Amitié qui disait à la chambrière : « Je te donnerai dix napoléons… » Il lui serrait le bras ; elle pleurait. J’ai entendu qu’il disait encore : « Les chevaux attendront à mi-chemin des ruines… » La chambrière a répondu : « Mais le diacre qui garde la chambre mortuaire… » L’Amitié s’est mis à sourire, disant : « On lui a bouché les oreilles et les yeux avec des ducats… » Et il a ajouté : « Demain, elle retournera au couvent, il sera trop tard : je la veux cette nuit. »

André semblait changé en statue.

« Est-ce que tu ne comprends pas ? lui demanda l’enfant, dont les yeux brillaient dans l’ombre, intelligents et profonds comme des yeux de femme.

— Si fait, répliqua André, je comprends.

— Alors, reprit la petite Fanchette, la chambrière a dit oui, tout bas, et l’Amitié l’a embrassée… Attends ! j’allais oublier quelque chose : les dix napoléons, c’est pour donner à la Giovanna une tisane qui fait dormir. On doit l’emporter à deux heures du matin, parce que la lune va jusqu’à une heure… Sais-tu ce qu’ils se disent entre eux, pour se reconnaître, ceux qui ne sont pas d’ici et qui viennent demander de l’argent à bon papa ?

— Non, je ne le sais pas.

— Ils disent : Fera-t-il jour demain ? Je les ai entendus plus de cent fois. Cela te servira à entrer au château si la porte est fermée. Mais je m’embrouille et il ne faut pas, car je devrais déjà être rentrée. Je ne t’ai pas dit encore que j’ai couru chez la Giovanna, dès que L’Amitié et la chambrière n ont plus été dans le corridor. C’était pour l’avertir. Je n’ai pas pu voir la morte, parce qu’il y avait un drap blanc sur la figure, et