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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/117

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monde conservateur, avec une certaine sympathie. Le directeur des études crut pouvoir, sans danger, nous faire connaître cet événement qui paraissait devoir modifier si profondément le cours d’Histoire de France. À l’instant, les têtes fermentèrent. Les plus ardents se demandèrent s’il n’y aurait pas lâcheté à refuser de suivre les traces de la jeunesse de Paris. Chacun se choisit un modèle, un héros, Les plus éloquents jouèrent au Lamartine. Quant à moi, jeune encore, je bornai mon ambition à imiter un des membres du Gouvernement Provisoire que j’ai eu l’honneur de connaître douze ans plus tard à Paris. Il me parla du Canada comme d’une ancienne colonie espagnole. Cela me décontenança un peu, et je ne crus pas devoir lui parler de la représentation de la révolution de 1818 que nous avions donnée au collège, ni du choix bien flatteur que j’avais fait de lui comme héros et modèle.

La révolution étouffée, l’heure de la retraite sonne. Le prédicateur est éloquent, une douce atmosphère de piété se répand dans le collège, et comme après tout l’âme des jeunes révolutionnaires est encore très-facile à émouvoir, Pompée se repent, Brutus se convertit et forme le projet de prendre la soutane à la fin de l’année. Durant huit jours, les classiques sont en baisse et les Pères de l’Église triomphent.

Il y a des jours où l’on éprouve un certain plaisir à se rappeler la figure, les habitudes, les traits célèbres de ses anciens compagnons de classe ; mais il n’en est pas où l’on aime à rencontrer ces gens qui ont la fatale habitude de narrer, en toute réunion, leurs histoires de collège. Les espiègleries de jeunesse perdent beaucoup à être exhumées. Elles sentent le renfermé.

De temps à autre les élèves du même cours devraient se réunir en un fraternel banquet, comme cela se pratique en France. Ils renouvelleraient connaissance. À un bout de la table, on verrait un riche négociant et à l’autre bout le tailleur