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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/160

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On n’avait pas su au juste encore jusqu’à ce jour le nombre de gens qui, parmi, nous, se destinaient aux fonctions publiques. L’avénement de la Confédération a décidé bien des vocations incertaines et a fait éclater maintes aspirations secrètes. L’idée que l’on sera payé régulièrement à la fin de chaque mois, en papier, enflamme les imaginations et remplit les cœurs d’ardentes convoitises.

Le département des postes a constaté une augmentation considérable dans le nombre des lettres transmises par ses soins. C’est le flot des suppliques aux ministres qui grossit le cours ordinaire des correspondances. Si cela continue, on sera dans la nécessité de prendre des employés surnuméraires.

À cela il faut ajouter les pétitions qui viennent par occasion ; celles qui sont déposées dans les bureaux du gouvernement par des intermédiaires fidèles ; celles que l’on glisse discrètement dans les poches de redingote des ministres.

Les demandes varient à l’infini et s’étendent des beaux emplois aux places de messager, qui sont très-recherchées.

Le chemin de fer inter colonial est l’objet de prédilections particulières. On l’a déjà dépecé en petits morceaux, pour en faire la distribution à ceux qui en demandent. Mais on a beau tailler les morceaux petits, il n’y en a pas assez pour tout le monde. Heureux ceux qui ont dans leur lot une station à bâtir ou un emploi de conducteur sur un embranchement esquissé sur papier parlementaire !


La littérature des aspirants aux faveurs ministérielles manque en général de variété. C’est la même corde qui résonne partout mélancoliquement. La plainte du mousse n’est pas plus touchante, ni le chant de la fauvette plus tendre.

J’essaierai pourtant d’en donner quelques échantillons.