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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/162

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publics. Mon grand-père était fonctionnaire, mon père l’a été, et j’espère que mes enfants le seront à leur tour. J’ai été élevé dans cette douce croyance. Souvent j’ai entendu mon défunt père dire à ma mère, qui souriait à cette pensée : « Il sera greffier un jour ; » ou bien : « Il a du goût pour les chiffres, on le placera aux statistiques. »

Me refuser un emploi public, ce serait contrarier ma vocation et briser ma carrière. Le gouvernement, ami de ma famille, ne voudra pas assumer cette douloureuse responsabilité.

Cependant, les espérances que l’on avait conçues pour moi mettent bien du temps à se réaliser. Voici la trentaine qui arrive, et je n’ai encore franchi le seuil des bureaux du gouvernement que pour y déposer des suppliques qui n’ont pas même été toujours honorées d’un simple accusé de réception. L’inquiétude commence à me gagner. Le vœu de mon père sera-t-il déçu ? La tradition de ma famille se brisera-t-elle en ma personne ?

La Confédération fournit au gouvernement l’occasion que j’attends depuis si longtemps. Il peut me placer sans se déranger. S’il n’en profite pas, je m’expatrie, et j’irai demander au gouvernement américain une place que l’on me refuse dans mon pays.


J’en passe, et des meilleures. Il y a la supplique perpétuelle de l’homme qui s’est ruiné pour le parti, et qui montre à l’appui les comptes des élections qu’il a gagnées ou perdues.

Bref, on estime à quinze cents le nombre des demandes de place adressées au gouvernement local. Il y en a déjà une chambre pleine, paraît-il.

Notez bien que ce chiffre ne comprend pas les lettres adressées aux parents et aux amis des membres du gouvernement