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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/169

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C’était un ami de la compagnie, et l’excuse n’était pas facile à trouver :

— Je conçois, dit-il, que ce poêle vous paraisse hors de saison. Vous ne connaissez pas les caprices de notre climat. Si on ne laissait pas les poêles montés tout l’été pour tenir le froid en respect, il gelerait au mois de juillet !

Les deux Américains se hâtèrent d’inscrire cette curieuse particularité sur leurs carnets de voyage. Vous la retrouveverons dans quelqu’ouvrage sur le Canada.

Cela m’incline à penser que le Grand Tronc, nonobstant le surcroît de frais que l’opération pourrait lui causer, ferait bien de démonter ses poêles le printemps. Peut-être ont-ils l’effet d’induire les voyageurs en erreur sur notre climat et d’éloigner l’immigration de nos terres incultes !


La nature est charmante en ce moment. Rien n’égale la richesse des champs, l’éclat de la verdure. Seulement, on aperçoit parfois dans le paysage des orateurs électoraux qui en gâtent l’effet. Il est permis de préférer le chant des oiseaux aux allocutions sur le tarif.

Tout le monde n’est pas de cette opinion cependant, et la foule se presse volontiers autour des oracles qui lui divulguent les secrets de la politique et l’initient aux sombres mystères de l’impôt.

Ce qui est intéressant à observer, à écouter, ce n’est pas l’orateur — qui en entend un, les entend à peu près tous — c’est l’auditeur défiant ou bénévole.

L’auditeur défiant écoute, les poings fermés, comme s’il voulait repousser par la force les arguments qu’on lui présente, les raisonnements qui défilent devant lui au son d’une voix enrouée par un exercice oratoire trop prolongé.

L’auditeur bénévole écoute, la bouche ouverte, avalant avec