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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/187

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— Un homme de tête, reprend Calino.

Votre attitude muette continue à faire son effet et, un jour, dans une réunion de magistrats et de députés, un vieillard qui, avant de mourir, veut trouver un gendre, s’écrie :

— C’est un jeune homme de talent.

Votre réputation est faite ; votre fortune va l’être.

Le jour où le vieillard aura besoin d’un second lui-même, il viendra vous tirer de votre coin. Vous ferez mine de résister, sous prétexte que le bruit vous importune ; puis, vous vous résignerez à hériter du bonhomme.

Règle générale : quand un jeune homme possède ni le don de la parole, ni l’art d’écrire, ni aucun savoir, ni aucun talent, on proclame qu’il a du jugement et surtout du tact. Ces deux qualités, timides de leur nature, ne se produisent, paraît-il, qu’en l’absence des autres. Elles aiment l’ombre et le silence ; elles flottent dans le vide.

C’est d’abord pour consoler les parents affligés, que l’on dote de ces qualités précieuses les fruits secs. Mais avec le temps et bien administré, ce petit bien est la source d’une grande et belle fortune. Celui qui en est l’heureux possesseur peut commettre impunément toutes les sottises, l’étiquette : tact et jugement, lui reste attachée au front. On la gravera sur son tombeau de marbre.

Dans le clergé, on a une autre expression pour pallier les faiblesses intellectuelles. Quand un bon curé n’a pas la parole en bouche et qu’il n’a point de savoir de reste, on dit que c’est un bon administrateur.

Cela le classe parmi ses confrères. Il a sa spécialité. On le nomme curé des paroisses dont la moralité est parfaite, mais dont les finances sont embarrassées. Il conserve les âmes en bon état et rétablit les affaires de la fabrique.

Voilà pourquoi je ne tiens pas du tout à ce qu’on m’appelle spirituel confrère. La première fois que je m’entendis nommer ainsi, je ne vous dissimulerai pas que cela me mit en