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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/238

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sortes, ne laissait pas que d’être fort élégant. Aux premiers rangs se montraient les plus imposantes têtes de la ville de Montréal, les plus ravissants chapeaux de la saison. Les mères de famille venues de la campagne tapissaient le fond de la salle. L’observateur pouvait aisément saisir sur leurs figures franches et ouvertes la révélation anticipée des sentiments contraires qui allaient y éclater à la vue des prix remportés ou des défaites, sous forme d’accessits, essuyées par leurs enfants.

L’entrée était rigoureusement interdite aux jeunes gens encore en âge d’être amoureux. Un certain nombre des plus fringants, cependant, avaient réussi à lever la consigne, en invoquant leur titre de proches parents des élèves. Dans un pays comme le nôtre, où toutes les familles sont bien fournies d’enfants, qui peut donc manquer jamais de sœur, de nièce ou de cousine, s’il en a besoin ? Si, par hasard, vous n’en avez point, les gens en état de vous en prêter pour l’occasion ne sauraient vous faire défaut. Les vigilantes gardiennes qui ont institué ce règlement sévère mais juste, oublient qu’il ne suffit pas d’être le frère ou l’oncle d’une ou de plusieurs élèves pour perdre à l’instant tout attrait aux yeux du reste de la communauté. Cette qualité permise donne au jeune assaillant maintes intelligences dans la place.

La séance s’ouvrit par un défilé élégant, une revue des jeunes Grâces. L’on vit s’avancer sur la scène les élèves, trois ou cinq de front. Elles marchaient à pas cadencés jusqu’à la rampe et là faisaient au public, d’avance charmé, la plus jolie révérence du monde. Ce prologue muet eut grand succès. Tout le monde ne se rend pas également compte du plus ou du moins de mérite des exercices littéraires ; mais tout le monde est juge de la beauté, de la grâce, d’un salut, d’une révérence. C’est pour cela sans doute que l’on avait placé en tête du programme cette pantomime mondaine. Chaque mère n’eut d’yeux que pour sa fille et, n’ayant vu qu’elle, déclara