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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/244

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de vous le dire sans flatterie, c’est tout votre portrait. Personne ne saurait s’y tromper. On demanderait à l’auditoire : « Quelle est la mère de cette ravissante jeune fille ? » que tout le monde dirait, en vous montrant : « C’est cette belle personne ! »

— Docteur, ne répétez pas tous ces compliments à ma Caroline, vous lui tourneriez la tête. À son âge, je n’y aurais pas tenu. Je le dis souvent à M. Perret : Mon pauvre homme, si l’on m’avait dit lorsque j’avais dix-sept ans : « tu es belle et tu épouseras un prince, » je l’aurais cru et je ne me serais jamais résignée à devenir ta femme.

— Votre fille, comme vous, madame, mériterait un prince, mais il n’y en a pas encore dans notre pays. Ce sera pour une de vos petites-filles. Vous verrez ça peut-être. Il faut du moins, puisqu’elle est venue trop tôt pour être princesse, que mademoiselle Caroline ait un époux digne d’elle, un mari qui sache lui obtenir la position à laquelle elle a droit, qui fasse d’elle la première dame du pays. C’est à vous, madame, à diriger son choix. Votre mari lui donnera la fortune, elle tient de vous l’esprit et la beauté : il faut que votre gendre mette à son service, au vôtre, une ambition sans bornes, une volonté d’arriver à l’épreuve de tous les accidents de la route. Le succès appartient à l’énergie. L’homme qui dit résolument : « Je monterai jusque-là, » est aussi sûr d’y parvenir que s’il touchait déjà au but. J’ajouterai, — et je n’ai besoin pour en juger ainsi que de voir l’impression profonde que mademoiselle Perret a produite sur tout l’auditoire, sur moi, — j’ajouterai, que celui-là seul aimera véritablement votre fille qui, spontanément, lui promettra la plus haute destinée, et que l’on sentira, à son langage, à sa conduite, en état de tenir cet engagement d’honneur.

— Vous me rendez toute fière, cher docteur. Ce que vous dites-là de ma fille est si bien ce que j’avais rêvé pour moi-même. Et cependant j’ai épousé monsieur…