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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/252

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Ils connaissaient Duport pour s’être grisés quelquefois avec lui. On sait que rien ne lie les gens comme d avoir fait des sottises ensemble.

On commanda un renfort de bouteilles et les verres se remplirent, sauf celui de Blandy, qu’il ne vidait jamais.

— Messieurs, dit Duport, comme président de cette paisible réunion, je donne la parole à M. Martel pour une santé. Ce jeune orateur excelle dans le toast ; surtout il est sans rival dans la spécialité des toasts intimes : « À notre ami Poinsot ! l’orgueil du jeune barreau, l’espoir de son intéressante famille ! » « À Monsieur et Madame Robinet, qui nous ont donné cette délicieuse soirée ! »

— Monsieur le Président, dit Martel, je serai bref ; car, je sens à l’agitation du mien, que vos verres s’impatienteraient. Quelques mots suffiront pour vous faire l’éloge de notre cher docteur Blandy. C’est le médecin des dots ; il ne prend sous ses soins que celles qui sont florissantes. Tandis que ses confrères s’épuisent au chevet des malades ; lui, il promène ses prescriptions à la vanille, ses doucereux conseils, de salon en salon. Vous le rencontrez partout où les gens se portent bien, distribuant la santé. Il ordonne aux dames d’aller au bal, sous peine de névralgie perpétuelle. Il offre des bonbons aux jeunes filles en guise de remèdes, et s’il le faut, il prend héroïquement les pilules à leur place. C’est lui qui reconnaît et certifie les inquiétants symptômes qui se révèlent chez les jeunes pensionnaires au couvent, lorsque les parents ont bien envie de les ramener à la maison. S’il faut en juger par le nombre de cas qu’il anticipe, il a le talent de prévenir les maladies. Là où vous voyez une personne bien portante, il flaire une malade et opère une cure merveilleuse. Il recrute principalement sa clientèle parmi les gens riches qui ont des filles à marier. Il cause affaires avec le père, ménage et domestiques avec la femme, toilette et bals avec la fille ; il invite le fils à venir chez lui s’habituer à fumer. Dans le