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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/255

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hardes faites au Marché Bonsecours. S’il n’a point autant d’argent qu’on le voudrait, c’est à lui d’en gagner davantage et non à la femme de se sacrifier. Le train qui porte le jeune couple part à grande vitesse. La lune de miel est charmante : le mari est fort amoureux et la jeune femme a des toilettes ravissantes, un trousseau magnifique. Il admire la beauté de sa femme, et celle-ci s’extasie devant ses robes.

— C’est juste, dit involontairement un buveur qui écoutait par dessus l’épaule d’un des jeunes gens. Blandy se tourna de son côté, et lui dit avec le plus grand sang-froid :

— N’est-ce pas, Monsieur ?

Le buveur rougit et quitta la place.

— Les toilettes passent de mode, continua Blandy, on les envoie au grenier ; les comptes arrivent, et un beau jour le train conjugal déraille sur une note de couturière. Le mari se relève un peu meurtri et moins amoureux ; la femme crie qu’on lui refuse le nécessaire. Pour arranger l’affaire, le mari va commander un bijou, et le train repart, même vitesse. Les comptes se suivent, les accidents se succèdent, les illusions s’en vont et la gêne reste. L’homme qui avait rêvé une femme douce, aimante, désintéressée, se trouve en face d’une créancière impitoyable dont il ne peut satisfaire les exigences. Elle a compté trouver la fortune en l’épousant, et lui l’amour ! Ils ont perdu tous deux la partie ; elle est pauvre, et il n’est point aimé.

— Alors j’ai raison de dire : « À bas le mariage, » exclama Martel.

— Pas tout-à-fait, reprit Blandy. Le mariage est l’acte le plus sérieux de la vie, et on le fait à la légère. Lorsqu’on a dit : J’aime, on croit avoir tout dit. Mais, malheureux, c’est précisément parce que vous êtes amoureux que vous choisirez mal. Attendez que vous le soyez moins pour voir si, par hasard, vous ne vous trompez pas dans votre choix. Et