Aller au contenu

Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et je ne veux point que l’on pense que mes intérêts de commerce influent sur mes relations sociales. Je fais saisir ce brave homme demain, et dans huit jours il sera en banqueroute.


— Vraiment, dirent d’une seule voix Mme. Perret et sa fille.

— C’est sa troisième banqueroute, continua Perret ; la première fois il a payé 10s. dans le £, la seconde 5s., et cette fois je crois qu’il paiera çà peu près rien. Il est en train de manger le fond du sac ; je l’arrête pour qu’il nous laisse au moins quelque chose. C’est sa fille qui le ruine. Elle lui mange ses profits de l’année pendant les vacances.

— Elle n’a donc pas de cœur, dit Mme. Perret.

— Si je te laissais libre, tu en ferais autant, dit Perret en lui tapant familièrement sur la joue. Crois-tu que cette petite a conscience de ce qu’elle fait ? Elle suit son penchant sans regarder où il mène son père. Elle a envie de tout ce qu’elle voit, et ce dont elle a envie, elle l’achète : ici un chapeau, là une robe. Dans le magasin paternel, elle ne se refuse rien. Chez les autres marchands, il y a du crédit. Qu’est-ce qui coûte cher, dès l’instant que l’on ne débourse pas d’argent ?

— Alors, c’est le père qui est coupable, dit Mme. Perret.

— Crois-tu qu’on lui demande son autorisation pour chaque dépense ? répondit M. Perret. Il apprend les choses quand elles sont faites et collectionne les comptes quand ils sont acquittés. D’ailleurs, c’est un maladroit en affaires. Un homme qui fait deux fois banqueroute et qui ne s’enrichit pas, n’entend rien au commerce. Lorsqu’on paie 7s. 6d. dans le £, les créanciers sont aussi fâchés que quand on paie 2s. 6d. ; il ne faut pas les mettre en colère en pure perte. Moi qui vous parle, j’aiderais Aubé à se relever si la façon dont il fait banqueroute ne m’ôtait toute confiance dans son sens commercial.