Aller au contenu

Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’a pas une route à l’épreuve des saisons ; les plus féroces menacent de faire un mauvais parti aux ministres qui, aussi transis qu’eux, partagent la mésaventure. Si on les sacrifiait, peut-être cela apaiserait-il les dieux ? La tempête demande des victimes ; livrons-lui ceux qui, ne payant pas leurs billets, sont moins chers au Grand-Tronc. Un voyageur de sang-froid fait observer qu’au contraire les conducteurs du train feront d’autant plus d’efforts pour arriver que le convoi porte des ministres ; et cet avis opportun sauve les chefs de l’État.

On voit, par ce simple récit, quels sont les plaisirs du voyage au mois de février. Les gens qui se plaignent de la monotonie des voyages par chemin de fer n’ont qu’à prendre passage dans un train du Grand-Tronc, un jour de tempête de neige. De temps à autre, le train déraillera pour les distraire.


L’hiver n’a jamais été plus gai à Québec que cette année. Pour compenser la perte du siège du gouvernement, la nature bienveillante nous a donné un pont de glace superbe. Un bon quart de la population passe ses après-midis sur le fleuve, et il y a des gens qui ne peuvent plus marcher sans patin. Le premier pas sur la glace est cependant plus glissant que dans le monde et les occasions de chute y sont plus fréquentes.

Avez-vous jamais regardé un patineur novice, que ses amis entraînent vers le rond qui va être témoin de ses premiers élans ? Parfois, il est plein d’assurance ; il se voit déjà sillonnant l’onde glacée d’un patin rapide, décrivant des courbes merveilleuses autour des patineuses éblouies, étonnant le monde, à ses débuts ; souvent, il est craintif et timide, redoutant les hasards de l’aventure et les perfidies de la surface polie dans laquelle se mire son élégante personne. Selon qu’il est plein d’assurance ou rempli de sombres pressentiments, il s’élance avec une fougue superbe et s’étend violemment de