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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/70

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qualité de poète, a une imagination inflammable, lança dans le public une nouvelle terrible : l’avant-garde d’une armée avait été vue près de Rouse’s Point. Après avoir pris l’alarme, on alla aux informations, et il fut constaté que l’éloquent orateur, cherchant un effet de tribune, avait vu une armée là où il n’y avait qu’une simple compagnie de miliciens jouant aux barres pour se distraire des ennuis de garnison.

Je ne dis pas que, cette fois, ce soit la même chose, et que le conseil des ministres ait ajouté foi trop facilement à un récit de romancier, mais je ne puis m’empêcher de penser que cela est fort possible.

Depuis ce coup de théâtre, il ne manque pas de gens à Québec qui hochent la tête en disant que la session n’aura pas lieu à Ottawa, mais ici ; que l’on verra le gouvernement remonter la côte de la rue Lamontagne et passer sous la vieille porte de ville pour rentrer dans nos murs.


14 mars.

Québec justifie bien en ce moment le renom dont elle jouit dans les dictionnaires militaires, d’être la première place de guerre de l’Amérique. On ne rencontre partout que des soldats ; on se heurte à des canons ; on voit à chaque pas, toute grande ouverte et menaçante, devant soi, la gueule d’un fusil. Les gens portent des poignards dans leur gousset en guise de cure-dent et des revolvers à la place de tabatière. L’imagination publique est si bien montée, qu’un passant enrhumé du cerveau ayant éternué sans ménagement dans le faubourg