Aller au contenu

Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

hautes branches d’un arbre isolé, mais de préférence dans quelque crevasse d’un rocher à pic. Il le compose au dehors de bûchettes et de racines ; au dedans, de mousse, de bourre, de chiffons, de fins gramens.

Jules. — Je voudrais bien savoir comment sont les œufs de corbeau.

Paul. — Les œufs des oiseaux sont en général d’une remarquable élégance, tant par la forme que par la coloration ; à ce titre seul, ils méritent d’être observés. D’ailleurs, il n’est pas sans utilité de savoir les distinguer les uns des autres, pour reconnaître au besoin s’ils appartiennent à une espèce utile qu’il faut respecter, ou bien à une espèce nuisible qu’il convient de ne pas laisser se multiplier dans le voisinage de nos cultures. Dans ce but, je vous ai déjà donné le signalement des œufs de nos principaux oiseaux de proie, dont les uns sont à détruire sans ménagement aucun, et les autres à protéger. Puisque cela vous intéresse, j’en ferai autant pour ceux des oiseaux dont il me reste à vous parler. Sachez donc que les œufs du corbeau sont bien plus joliment colorés que ne le ferait supposer le triste plumage de l’oiseau. Ils sont d’un vert bleuâtre avec des taches brunes. Ce fond bleu-vert, tantôt plus franc, tantôt plus terne, se retrouve, avec les taches brunes, dans les œufs des corneilles, des pies, des geais, des merles, des grives, des tourds, oiseaux qui ont entre eux d’étroites ressemblances d’organisation, malgré des mœurs, des dimensions et des plumages si variés. Certains merles, certains tourds, ont les œufs d’un magnifique bleu de ciel.

Le corbeau vit de tout. Fruits, larves, insectes, grains germés, chair fraîche et chair corrompue, lui conviennent également. Il est surtout avide de charogne, qu’il sait trouver à de grandes distances, guidé par la vue et par l’odorat. Où gît une bête crevée il ne tarde pas à paraître, disputant aux chiens l’affreuse curée. L’habitude de se gorger de cette nourriture infecte lui communique une odeur repoussante. Quand lui manque la proie morte, plus convenable à ses goûts, à ses voraces appétits, à sa lâcheté, il chasse la proie vivante, le levraut, le lapereau, les petits rongeurs nuisibles ; il pille dans les nids les œufs et les oisillons nouveau-nés, succulent régal pour ses petits ; il a même l’audace d’enlever les poussins dans les basses-cours. Sans la moindre réclamation en