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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/180

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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

L’hirondelle l’apporte becquée par becquée, l’imbibe d’un peu de salive visqueuse pour lui communiquer la force de cohésion et la dispose par assises en une demi-boule accolée au mur et percée dans le haut d’une étroite ouverture. Des brins de paille enchâssés dans l’épaisseur de la bâtisse donnent plus de résistance à la maçonnerie de terre ; enfin l’intérieur est matelassé d’une grande quantité de fines plumes. La ponte est de quatre ou cinq œufs d’un blanc pur et sans taches.

Les nids servent plusieurs années de suite aux mêmes couples, qui les reconnaissent à leur arrivée au printemps et les remettent à neuf par quelques réparations. Si quelques-uns sont vacants, les propriétaires étant morts en terre lointaine, les nouveaux ménages en profitent.

Jules. — N’y a-t-il jamais querelle pour l’occupation des vieux nids ?

Paul. — Bien rarement. Les hirondelles aiment à vivre en société ; leurs nids se touchent parfois au nombre de quelques cents sous la même corniche. Chaque couple reconnaît sans hésitation ce qui lui appartient et respecte scrupuleusement la propriété d’autrui pour que l’on respecte la sienne. Il y a entre elles un vif sentiment de solidarité ; elles se portent assistance avec autant d’intelligence que de zèle. Il arrive parfois qu’un nid à peine achevé s’écroule, soit par défaut de cohésion du mortier employé, soit parce que les maçons, trop pressés, n’ont pas eu la patience de laisser sécher une assise avant d’en placer une autre, soit pour tout autre motif. À la nouvelle du sinistre, voisins et voisines accourent consoler les affligés et leur prêter assistance pour rebâtir. Tous se mettent à l’œuvre, apportant mortier de premier choix, pailles et plumes, avec un tel entrain qu’en deux fois vingt-quatre heures le nid est refait. Livré à ses seules forces, le couple éprouvé aurait mis la quinzaine pour réparer ce désastre.

Émile. — Voilà des oiseaux secourables, des oiseaux comme je les aime.

Paul. — Il y a mieux encore. Une hirondelle s’est étourdiment empêtrée dans quelques fils. Plus elle fait effort pour se libérer, plus elle s’enlace. La voilà en péril de mort, les ailes et les pattes liées. D’un cri d’angoisse, elle appelle ses compagnes au secours. Toutes accourent, se concertent bruyamment et font si bien du bec et des pattes qu’elles débrouillent le lacet et délivrent la captive. L’heureux événement est