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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/187

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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

plaines de l’air, ou rester blottis dans leur trou, voilà leur vie. Le seul état intermédiaire qu’ils connaissent, c’est de s’accrocher aux murailles tout près de leur trou, et de se traîner ensuite dans l’intérieur du nid en rampant, en s’aidant de leur bec et de tous les points d’appui qu’ils peuvent se faire. Ordinairement ils y entrent de plein vol, et après avoir passé et repassé devant plus de cent fois, ils s’y lancent tout à coup et d’une telle vitesse qu’on les perd de vue sans savoir où ils sont allés ; on serait presque tenté de croire qu’ils deviennent invisibles[1]. »

Ce nid est presque toujours situé dans un trou profond de muraille, à une grande élévation. Il est composé de fils de chanvre, de petits paquets d’étoupes, de menus chiffons, de brins de paille, de plumes, de bourre cotonneuse provenant des chatons des peupliers et des saules. Ces matériaux incohérents sont collés entre eux, agglutinés, au moyen de l’humeur visqueuse qui suinte constamment du gosier du martinet et qui sert de glu pour empêtrer les insectes gobés. L’oiseau la répand sur le nid et en imbibe profondément les diverses assises à mesure qu’elles sont posées. En séchant, cette humeur durcit, prend l’apparence luisante de la gomme et donne à tout l’édifice consistance et même élasticité. Comprimé entre les mains, le nid se rapetisse sans se rompre ; la pression cessant, il revient à sa première forme.

Le martinet fournit lui-même le ciment agglutinateur ; mais où va-t-il chercher les matériaux : étoupes, chiffons, pailles et plumes ? Évidemment il ne commet pas la maladresse d’aller les cueillir à terre, où il pourrait les trouver, ainsi que le font les autres oiseaux ; s’il touchait le sol, infailliblement il naufragerait. La ruse vient à son secours. Comme il arrive assez tard dans nos pays, il profite des trous déjà abandonnés par les moineaux ; il trouve là des matériaux abondants, qu’il dispose à sa guise en les collant avec sa glu. Si les moineaux sont encore en ménage, il pénètre effrontément dans leurs nids, leur pille bourre, pailles et plumes, un peu à l’un, un peu à l’autre, et va, dans un trou de la même muraille, confectionner son propre nid avec le produit de ses larcins. La ponte est de deux à quatre œufs, d’un blanc pur et de forme allongée. Les martinets ne passent guère qu’un trimestre

  1. Guéneau de Montbéliard.