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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/21

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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

examen nous l’accablons de notre haine, nous l’accusons d’une foule de méfaits, nous lui déclarons une guerre implacable, ne nous doutant pas, dans notre sottise, que c’est une guerre à nos dépens. Un moyen bien simple cependant nous permettrait d’éviter ces regrettables confusions. N’accordons pas créance à des préjugés, si répandus qu’ils soient, et, avant de condamner un animal comme nuisible, consultons sa mâchoire. Elle nous apprendra le genre de vie de la bête. L’exemple suivant va vous en convaincre.

IV

LES CHAUVES-SOURIS

Paul. — Les chauves-souris, de quoi se nourrissent-elles, s’il vous plaît ? qui de vous trois pourra me le dire ?

À cette question de l’oncle, Émile parut se recueillir, fermant les yeux et se grattant le front ; mais aucune idée ne vint. Jules et Louis ne surent non plus que répondre.

Paul. — Personne ne le sait, tant mieux ; vous aurez alors la satisfaction de le trouver vous-mêmes d’après la forme des dents. Regardez attentivement cette image, qui représente, plus grand que nature, le râtelier d’une chauve-souris. Les incisives, si petites, si faibles, qu’on voit à la mâchoire inférieure, sont-elles faites pour ronger des matières végétales à la manière de celles du rat et du lapin ? Pourraient-elles couper ces aliments tenaces ?

Jules. — Certes non ; elles sont trop faibles pour être bien utiles. Et puis ces deux crocs aigus annoncent, ce me semble, un animal carnassier.

Paul. — Les canines longues et pointues l’annoncent en effet, mais les molaires l’affirment peut-être encore davantage. Avec leurs couronnes à dentelures fortes et tranchantes, s’emboîtant si bien dans les creux à bords aigus de la mâchoire opposée, ces molaires sont-elles destinées à triturer du grain, h broyer patiemment des matières filandreuses ?

Jules. — Non. C’est le râtelier d’un carnivore, et non le moulin à trituration d’un herbivore.