Aller au contenu

Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

saveur repoussantes. Sans aucune espèce de danger vous pouvez manier un crapaud, s’il vous on prend fantaisie ; lavez-vous ensuite les mains si l’animal les a infectées de son liquide, et tout sera fini. À moins que la folle idée ne vous vienne de recueillir vous-mêmes l’humeur venimeuse sur la pointe d’un canif, pour vous piquer après jusqu’au sang avec la lame empoisonnée, je peux hautement affirmer que le crapaud est inoffensif.

Jules. — C’est tout clair, puisqu’il n’a aucun moyen de faire une blessure, où l’humeur de ses pustules devrait être introduite pour agir. Mais on parle d’autres venins, de l’urine lancée à distance, de la bave découlant de la gueule.

Paul. — Il ne découle aucune bave de la bouche du crapaud ; il n’est nullement vrai que l’animal empoisonne les fruits et les herbes en salivant dessus. C’est pure calomnie pour noircir la bête détestée.

Jules. — Et l’urine ?

Paul. — Le crapaud harcelé lance son urine comme moyen de défense, mais pas bien loin ; il faudrait avoir la figure presque sur la bête pour recevoir le jet dans les yeux. Si cela arrivait à quelque étourdi, une rougeur passagère des yeux en serait tout au plus le résultat. Du reste, personne n’irait s’aviser d’approcher sa figure de la bête répugnante. Il n’y a rien à craindre non plus de ce côté.

Jules. — Et l’haleine empestée ?

Paul. — Encore une calomnie comme celle de la bave. Son haleine n’est pas plus nuisible que celle de tout autre animal. Des accusations qui pèsent sur le crapaud, il ne reste donc rien, ce qui s’appelle rien. L’humeur qu’il transpire au moment du péril pour rebuter ses ennemis ne peut nuire comme venin, puisque l’animal n’a aucun moyen de l’introduire dans une blessure et de la mélanger avec le sang, condition sans laquelle n’agit pas une substance venimeuse. Le jet de son urine a trop peu de portée, et des conséquences si peu graves qu’il est inutile de s’en préoccuper. Se préoccupe-t-on de l’urine du hérisson qui s’arrose de ce liquide infect quand on le harcèle ? Celle du crapaud, moyen de défense analogue, n’est guère plus à redouter. Les autres griefs, comme l’enflure des mains qui auraient touché la bête, l’air empoisonné par l’haleine, les fruits et les légumes dangereusement infectés par la bave et les traces de l’animal, sont des