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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/51

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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

Paul. — Encore une expression populaire on ne peut mieux d’accord avec ce que la science connaît de plus certain sur l’exercice de la vie. Pas un mouvement ne se fait en nous, pas une fibre ne remue sans amener une dépense proportionnelle de combustible fourni par le sang, entretenu lui-même par l’alimentation. Marcher, courir, s’agiter, travailler, prendre de la peine, c’est à la lettre se brûler le sang, de même qu’une locomotive brûle son charbon en traînant après elle l’immense faix d’un convoi. Tel est le motif pour lequel l’activité, le travail pénible, excitent le besoin de manger ; tandis que le repos, l’inoccupation, l’affaiblissent.

Je vous proposerai maintenant la question suivante : Il y a, je suppose, dans la cheminée quelques tisons allumés, peu nombreux, tout petits ; et vous vous proposez de conserver le feu le plus longtemps possible. Laisserez-vous ces lisons se consumer librement, prendrez-vous un soufflet pour envoyer de l’air sur la braise et la faire mieux brûler ?

Jules. — Ce serait juste le moyen d’achever rapidement les tisons. Il faut, au contraire, les recouvrir de cendres. L’air n’arrivant alors sur la braise que difficilement, en très petite quantité, la combustion se ralentit, et le lendemain on trouve les charbons encore allumés.

Paul. — C’est fort bien dit, mon cher enfant. Pour entretenir longtemps le feu dans nos foyers avec le même combustible, il faut ralentir le tirage, diminuer l’accès de l’air, sans le rendre nul cependant, car alors le feu s’éteindrait. Dans ce but, on enterre les tisons sous la cendre, on ferme plus ou moins la porte du cendrier d’un poêle. Avec plus d’air, la combustion est active, mais de courte durée ; avec moins d’air, elle est faible, mais de longue durée.

Puisque l’entretien de la vie est le résultat d’une réelle combustion, l’animal créé pour supporter un long jeûne, qui ne lui permet pas de renouveler le combustible, le sang, doit diminuer l’accès de l’air dans son corps ; il doit en quelque sorte diminuer le tirage de son calorifère vital. Or ce tirage, c’est la respiration. Pour se passer des mois entiers de nourriture et faire durer le peu de combustible que ses veines tiennent en réserve, l’animal n’a donc qu’une ressource : respirer le moins possible, sans se priver absolument d’air toutefois, car ce serait du coup l’extinction de la vie, comme l’extinction d’une lampe est la conséquence