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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/73

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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

diffèrent pas du chat. Leurs grands yeux, faits pour voir dans une clarté douce, cessent de voir quand la nuit est bien close.

Suivons l’oiseau dans son expédition nocturne. Le moment est propice, l’air est calme, la lune brille : la chasse commence, débutant par un lugubre cri de guerre. À cette voix abhorrée, la mésange se croit à peine en sûreté au plus profond du creux de son arbre, le rouge-gorge tremble sous l’épaisse feuillée, le pinson perd la tête de frayeur. Dieu des faibles, Dieu des petits oiseaux, protégez-les ! faites que le hibou ne les voie pas, tout frémissant encore, des injures du jour ! Que votre saint nom soit béni, l’oiseau rapace se dirige ailleurs ! Il évite le bocage ; il rase la plaine nue, les guérets, la prairie ; il inspecte les sillons où se tapit le mulot, les pelousesTête et serre d’un oiseau de proie nocturne.
Tête et serre d’un oiseau de proie nocturne.
herbeuses où le campagnol se terre, les masures où trottinent les souris et les rats. Son vol est silencieux, son aile molle fend l’air sans le moindre bruit, pour ne pas donner l’éveil aux victimes. Cet essor muet, il le doit à la structure des plumes, soyeuses et finement divisées. Rien ne trahit sa subite venue : la proie est saisie avant même de s’être doutée de la présence de l’ennemi. Une ouïe d’une rare subtilité l’avertit, lui, au contraire, de tout ce qui se passe à la ronde ; ses larges et profondes oreilles perçoivent le simple frôlement d’un campagnol sous l’herbe. Qu’un mulot vienne à ronger un brin de racine, un grain de froment, prévenu de sa présence par le seul bruit des incisives, l’oiseau nocturne fond sur lui immédiatement.

La proie est saisie avec deux robustes serres, chaudement gantées de duvet jusqu’à la racine des ongles. Quatre doigts la composent, trois d’habitude dirigés en avant et un en arrière ; mais, par un privilège propre aux oiseaux de proie