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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/90

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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

tas de grains hors de toute proportion avec ses besoins. Il amasse pour détruire encore plus que pour s’assurer le manger. Aussi fait-il exception parmi les animaux hibernants. Au sein de l’abondance, si l’hiver est trop rude, il est pris du même engourdissement qui sauvegarde le hérisson et la chauve-souris de la mort par famine. Ce terrible emmagasineur n’a pas même pour lui l’excuse du besoin. Heureuses les provinces qui n’ont pas à lui payer un tribut ! — Passons à d’autres rongeurs.

Jules. — Il y en a donc toujours, de ces voraces bêtes ?

Paul. — Ils sont un peu comme les insectes : quand il n’y en a plus, il y en a encore. Le monde semble avoir été livré en pâture aux mandibules de la larve et aux incisives des rongeurs.

Les espèces du genre loir vivent dans les bois et les vergers, et se nourrissent de fruits. Ces rongeurs ont la prestesse, l’élégance de forme, la riche fourrure de l’écureuil. Ils se retirent dans les cavités des arbres et dans les trous de mur ou de rocher. Pendant l’hiver, alors que les fruits manquent, ils sont pris d’un sommeil léthargique.

Le loir glis ou loir proprement dit habite la Provence et le Roussillon. C’est un joli animal qui rappelle assez bien l’écureuil. Sa queue est longue et bien fournie de poils ; sa fourrure est d’un brun cendré sur le dos et blanchâtre sous le ventre. La nuit, il dévaste les arbres fruitiers. Il n’y a pas de plus fin connaisseur pour distinguer les poires, les pêches, les prunes mûres à point. La veille vous avez donné un coup d’œil de satisfaction à vos fruits ; vous voulez leur laisser encore une journée de soleil pour les amener à perfection. Le lendemain vous revenez pour les cueillir : il n’y a plus rien ; le loir a passé par là.

Le loir lérot est plus petit, de la taille à peu près du rat noir. Son pelage est agréablement bariolé de roux, de blanc et de noir. Le roux occupe le dessus ; le blanc se montre au ventre, aux quatre pattes, aux joues et aux épaules ; le noir entoure les yeux et se continue sur les côtés du cou.

Le lérot est répandu dans toute la France. Il se complaît au voisinage des habitations ; il se tient dans les jardins, les vignes, les bosquets. Il se nourrit surtout de fruits, qu’il gâte en grand nombre, goûtant l’un, goûtant l’autre sans les achever. Pour passer l’hiver, ils se rassemblent plusieurs