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Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/262

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Prétention bizarre. Voit-on l’art prétendre que tout est fait pour lui, que toutes les choses humaines doivent être subordonnées à l’art, que toutes les connaissances humaines doivent être forcées de tendre à l’art comme à leur dernière fin et que tous les hommes doivent être artistes ?

Voit-on la science — et si on le voit parfois, c’est une indiscrétion ridicule — prétendre que tout est fait pour elle, que tout doit être régenté par elle, que tout doit être dirigé vers elle comme vers le but unique, et qu’elle est obligatoire et que tous les hommes doivent être des hommes de science ?

La morale est une des connaissances humaines, bonne dans sa sphère, comme les autres, mauvaise en dehors de son emploi. C’est la connaissance que les hommes médiocres ont de leurs besoins et de leurs désirs. Qu’elle serve aux hommes médiocres et qu’elle laisse les autres tranquilles. Elle seule a la prétention d’être universelle, d’être obligatoire pour tous les hommes et de courber tous les hommes sous sa loi. C’est cette seule prétention que je condamne et que je repousse. La morale chez elle !

On me dit : « Mais ceux que vous affranchissez de la morale se feront nécessairement une morale à eux, une règle de vie à eux, ne fût-ce que pour s’entendre entre eux, s’organiser, se discipliner,