Aller au contenu

Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que met entre les hommes l’accumulation des richesses dans certaines mains, et il n’y a pas de pays au monde où le socialisme ait un si petit nombre d’adeptes qu’aux Etats-Unis. L’Américain n’est ni monarchiste ni socialiste, ce qui est la même chose, et par conséquent il n’est pas égalitaire. Il est simplement républicain.

On peut même dire qu’il aime l’inégalité. Je ne vois pas qu’il l’aime théoriquement, comme pourrait faire un théoricien de l’aristocratie, Aristote ou Platon ou Nietzsche. Non ; mais il l’aime dans la pratique. Il aime qu’il soit bien entendu que dans le pays qu’il a l’honneur d’habiter, lui, homme de rien, né sans un dollar, peut devenir cent fois millionnaire, cinq cents fois millionnaire, millionnaire indéfiniment, et laisser des centaines de millions à chacun de ses enfants. Et c’est-à-dire qu’il aime qu’il soit bien entendu qu’il peut devenir furieusement aristocrate et formidablement créateur d’aristocratie, sans que personne ait rien à lui dire.

Et je dis créateur d’aristocratie. Sans doute ; car la classe des millionnaires américains est une aristocratie financière, économique et même politique, l’argent jouant là-bas un rôle politique au moins aussi considérable que chez nous.

Et remarquez, d’une part, que l’Américain pauvre n’a pas de haine ni de colère contre l’Américain riche, ou beaucoup moins, on en conviendra, que