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Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/176

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un seul qui soit sincère… Si l’on avait un peu d’expérience ou de réflexion, on saurait que les bons sont très rares et très rares aussi les méchants, et que ceux qui tiennent le milieu sont en très grand nombre, comme il y a peu d’hommes très grands et peu d’hommes de très petite taille. En toutes choses les extrêmes sont très rares. Tout de même ou à peu près, quand on a admis un raisonnement comme vrai sans avoir l’art de raisonner, il arrive plus tard qu’il parait faux — qu’il le soit du reste ou qu’il ne le soit pas — et tout différent de ce qu’il nous avait paru. Et quand on a pris l’habitude de disputer toujours pour et contre, on se croit à la fin très habile et l’on s’imagine être le seul qui ait compris que ni dans les choses ni dans les raisonnements il n’y a rien de vrai ni de sûr et que tout est dans un flux et un reflux continuel, comme l’Euripe, et que rien ne demeure un seul moment dans le même état. »

C’est ainsi qu’on arrive à une sorte de misologie, très analogue à la misanthropie et aussi amère et du reste aussi impuissante et aussi stérile. C’est un malheur déplorable, — alors qu’il y a un raisonnement très vrai, très solide et très susceptible d’être compris — que, « pour avoir entendu de ces raisonnements où tout est tantôt vrai, tantôt faux, au lieu de s’accuser soi-même de ces doutes, au lieu d’en