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la danse macabre

Tournent sans cesse autour de cet immense corps
Qui paraît au travers fait lui-même en fumées ;

À l’entour du noir front que battent les ténèbres
J’ai cru voir les zig-zags sinistres de l’éclair
Qui plusieurs fois traçaient, auréole funèbre,
Les lettres de ce mot sinistre : Lucifer.

L’être rêve accroupi, immobile, impassible ;
De son bas-ventre un membre sort, démesuré,
Braqué contre le ciel comme vers une cible,
Par la main qui l’empoigne haineusement serré.

Cette main avec une fièvre machinale
Fait sans arrêt jaillir du liquide à torrents,
Qui retombe, gluante averse et glaciale,
Sur l’océan hagard des spectres délirants.

Tous frénétiquement pour recevoir se ruent
En criant : Cher Seigneur, ô cher Seigneur, merci !
Cependant l’autre main plonge dans la cohue
Du même mouvement machinal elle aussi ;

Elle happe au hasard une poignée grouillante
Et la porte à la bouche avec même lenteur :
Sous le bruit d’os broyés, de mâchoires craquantes,
Leurs voix continuent à clamer : Merci Seigneur !

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