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Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/190

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fut cependant, pendant quelque temps, légèrement agitée, déchirant et criant de temps en temps ; un mois après son entrée, elle était dans un état de calme et d’hébétude plus prononcé, ne parlait presque pas spontanément, et présentait peu les apparences extérieures ordinaires des paralytiques. Cependant en l’interrogeant avec soin, il fut possible de découvrir chez elle, non seulement un état de débilité intellectuelle très marquée, mais un certain nombre d’idées prédominantes de fortune et de satisfaction, mal coordonnées et accompagnées d’explications contradictoires : elle manifeste, par exemple, l’intention de se marier, mais ne peut préciser ni la personne, ni le lieu, ni l’époque du mariage ; tantôt elle dit qu’elle veut épouser son cousin, qui est capitaine de dragons ; tantôt elle parle d’un notaire. Dans certains moments, elle dit que son cousin est en Amérique, et qu’elle veut l’y rejoindre ; tantôt, au contraire, qu’il est en Algérie. D’un autre côté, elle dit qu’il a cinquante mille francs de rente, et un instant après elle applique la même somme au notaire ; elle raconte aussi que ce capitaine a une manufacture à Lyon, et lorsqu’on lui objecte qu’il ne peut la diriger lui-même, elle répond qu’il la fait conduire par un autre ; elle avoue n’avoir pas de fortune par elle-même, mais elle ajoute qu’elle en attend beaucoup de son mari. Dans un autre moment, elle dit qu’elle attend vingt mille francs de sa mère ; elle doit partir dans deux ans pour l’Amérique ; un autre jour, elle dit dans deux mois. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle attend deux ans, elle répond que c’est parce qu’elle aura vingt et un ans alors, et qu’il en aura quarante-deux. Plus tard, elle dit que son mari doit venir de Londres, et cela dans cinq ans seulement, et cependant elle doit se marier dans deux mois. Elle ne sait pas l’âge de celui qu’elle va épouser ; elle aura quinze mille livres de rente quand elle sera mariée ; elle ira à Marseille pour rejoindre son mari qui vient d’Afrique. Dans un autre moment, elle dit qu’il est parti pour l’Amérique depuis quinze ans ; enfin, il est des instants où elle parle de se marier avec un jeune homme de Paris.

Indépendamment de ces idées confuses de mariage et de fortune, elle en a encore quelques autres qui témoignent de la même tendance à la vanité et à la satisfaction : elle dit avoir chez elle de beaux meubles, de belles robes et des bijoux ; elle dit se porter très bien et n’être jamais malade. Elle est, en un mot, dans un état