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Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/372

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saigner, opération qui lui avait toujours procuré du soulagement. Le médecin refusa, par le motif que ce remède ne devait pas être trop souvent employé.

Le 26, quelques heures avant le mariage, il fut saigné par un médecin, mais sans aucune diminution de la douleur. Pendant la cérémonie civile et religieuse du mariage, L… était abattu et taciturne ; il ne dit rien en dehors du simple oui. En quittant l’église, il fut saisi d’une douleur atroce de la tête ; elle fut tellement excessive que dans la maison de son beau-père, il fut obligé de se mettre au lit. La chambre dans laquelle il se trouvait était voisine de celle où l’on préparait le repas de noces. Là il fut saisi d’un accès d’épilepsie furieuse, et tandis que les personnes qui étaient avec lui couraient chercher des cordes pour l’attacher, il se précipita tout nu dans la salle à manger, avec une pelle dont il s’était emparé, poursuivit une femme qui s’enfuit et la renversa par terre en lui frappant un coup sur la tête. Son beau-père s’interposa ; mais, ainsi que les autres, il fut chassé. Le malade se mit alors par terre devant la porte, rongeant la pierre avec les dents ; enfin il se leva avec un couteau de cordonnier à la main ; il ouvrit la porte de force, s’écriant qu’il voulait les tuer. La première personne qu’il rencontra fut son beau-père, qu’il tua à l’instant. Cette attaque continua pendant trois jours.

Le 29, la raison revint, mais le malade pouvait seulement se rappeler le moment du mariage, et rien de ce qui suivit ; il supposait qu’il avait dormi pendant tout ce temps. Il fut bientôt transporté dans l’asile de Clément, où il se trouve encore. Dans ces circonstances, le tuteur de S… s’adressa à la cour pour obtenir la déclaration de nullité du mariage, par la raison que cet épileptique n’était pas complètement sain d’esprit au moment de la cérémonie, et par conséquent n’était pas apte à donner son consentement. La cour prononça la nullité du mariage[1].

J’extrais, en l’abrégeant considérablement, le fait suivant de meurtre commis par un épileptique, dans un accès de délire survenu trois jours après plusieurs attaques d’épilepsie.

  1. American journal of insanity, 1845-46, t. II, p. 186 ; extrait de la Gazette des tribunaux, numéro du 7 janvier 1845.