Aller au contenu

Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quement son atelier et de se promener sans but dans Paris ou dans les environs ; il affirme cependant qu’il ne se perd jamais. Un jour il est parti tout à coup de son atelier pour faire à pied le voyage d’Amiens ; il est resté deux jours sans rentrer chez lui et sans manger.

Le jour où il a commis l’acte violent pour lequel il a été arrêté, il s’était promené pendant toute la journée dans la campagne, et n’avait rien mangé.

À la suite de cet interrogatoire, V… fut envoyé à Bicêtre comme épileptique aliéné. Il fut jugé irresponsable de l’acte non motivé et sans préméditation qu’il avait commis, au milieu d’un état de délire évident, lié à des vertiges épileptiques fréquents, sans grandes attaques convulsives régulièrement constatées.

Observation XI. — Le nommé M… (Georges), âgé de vingt ans, a été amené à la préfecture de police pour actes de violence envers son père. À première vue, il paraît faible d’intelligence. Il dit qu’il en veut à son père, parce que celui-ci l’appelle idiot, et que c’est la chose qu’il peut le moins supporter. En l’interrogeant plus attentivement, j’arrive à me convaincre qu’il est moins faible d’intelligence qu’il ne le paraît, et qu’en réalité il est épileptique. Il avoue, en effet, qu’il a des étourdissements très fréquents, qu’il est alors obligé de s’appuyer sur le premier objet venu pour ne pas tomber, et même qu’il tombe quelquefois. Il a de plus de fréquents moments de colère qui lui prennent tout à coup ; ils s’accompagnent de tremblements, et sont souvent suivis de pleurs : c’est une maladie, dit-il. Ces accès commencent par des visions ; il voit son père, qui lui fait peur, et il lui donne des coups de pied pour le chasser. Il voit des flammes, des cercueils, des morts, qui l’effrayent. Il est alors comme étourdi, comme un homme ivre. Il souffre horriblement de la tête, s’arrache les cheveux, et veut se frapper la tête contre les murailles ; il est dans le désespoir, a des envies de se tuer, de se mettre sous les roues des voitures ; une fois même, il a réalisé cette pensée, et, si la voiture eût marché, il eût été écrasé. Il a alors la tête comme perdue, dit-il, et ne se rappelle pas ensuite ce qu’il a dit ou fait pendant ses accès. Sa mémoire se perd, surtout dans certains moments. Il est employé chez un avoué et a de fréquentes distractions ; il se trompe souvent en copiant ; il met un mot pour un autre, et