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Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/496

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impasse. Il importe donc de sortir de cette voie sans issue, de changer le point de vue et la direction de la science pour entrer enfin sur le terrain pathologique en étudiant directement, à l’aide de l’observation clinique, les caractères symptomatiques des états maladifs que l’on a vainement cherché à découvrir par les procédés abstraits de la psychologie.

Or, dès à présent, en suivant cette direction pathologique, déjà parcourue avec succès par plusieurs de nos devanciers et de nos contemporains, en France et à l’étranger, nous pouvons arriver, pour le diagnostic de la folie en général et pour celui de la folie raisonnante en particulier, à des résultats pratiques d’une grande importance, que nous résumerons dans les propositions suivantes.

Pour juger l’état mental d’un individu soumis à notre examen, pour apprécier s’il est encore dans les limites de l’état physiologique (avec ses variétés infinies de caractères ou d’aptitudes qui différencient si profondément les hommes les uns des autres), ou s’il appartient à la classe si vaste des malades atteints d’affection cérébrale avec perte de la raison et du libre arbitre, ne nous contentons pas d’étudier isolément un seul aspect de l’intelligence ou du moral de cet individu, c’est-à-dire le sentiment ou l’idée prédominante qui nous frappent à première vue, ou bien l’acte incriminé sur lequel les magistrats appellent notre attention. Ne disons pas de lui : C’est un monomane qui manifeste de la jalousie, de l’amour, de la religion ou de l’ambition, sous une forme qui n’est pas celle de l’homme raisonnable ; ne disons pas : C’est un être méchant, violent ou passionné, ou bien un individu dominé par une idée fixe, bizarre, insolite, étrange, et voyons si cette passion ou cette idée fixe sont restées dans les limites compatibles avec l’état physiologique de l’homme, ou bien si elles ont acquis des caractères permettant de les considérer comme des passions ou des idées maladives. S’il s’agit d’un acte justiciable des tribunaux, ne disons pas : Cet individu a accompli une action singulière, un vol, un incendie ou un meurtre dans des conditions exceptionnelles, une action érotique monstrueuse, donc il a été mû par un penchant au meurtre, au vol, à l’incendie ou à l’érotisme, exalté jusqu’à la maladie, ou bien les actes qu’il a commis sont tellement étranges, par eux-mêmes, par les motifs qui les ont déterminés, par les circonstances qui les ont accompagnés ou suivis, qu’ils ne peuvent être