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Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/101

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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

Car tout disparaîtra, les parures, les grâces,
Les danses et les jeux, les innocents plaisirs ;
Et le temps de son aile emportera nos traces
Comme l’aile des vents emporte nos soupirs.[1]

La rude voix de LeBlanc vint faire diversion à mes pensées, en nous criant que la chaloupe était prête. Il fallait partir : le Napoléon III était déjà sous vapeur. Notre pavillon salua. Une salve lui répondit du rivage ; et deux heures après nous passions devant Ellis Bay, mieux connue de nos navigateurs canadiens-français sous le nom de baie de Gamache.

Les souvenirs que Louis Olivier Gamache a laissés dans le golfe Saint-Laurent sont des plus vivaces. Les combats de Le Moyne d’Iberville et de ses rudes matelots ; les aventures du baron de Saint-Castin ; les désastres de Phipps et de Walker seront depuis longtemps oubliés de la foule, quand les caboteurs et les mariniers canadiens-français se raconteront encore le soir, au pied du grand mât, les merveilleux exploits de Gamache. Dans cent ans et plus, ils se diront la manière dont il s’y prenait pour faire la contrebande des fourrures, en évitant les croiseurs de la Baie d’Hudson ; ses tours incroyables ; et ses relations avec le malin esprit qui lui obéissait comme un mousse, et poussait la condescendance jusqu’à souffler dans ses bonnettes et ses perroquets, pendant que la proue du mystérieux navire du capitaine canadien glissait sur une mer polie comme l’acier.

Le héros de ces récits du gaillard d’avant, Louis Olivier Gamache est né à l’Islet en 1784,

  1. Jules Prior. Les veilles d’un artisan.