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Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/161

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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

C’est ce qui arriva au Napoléon III, lors de sa croisière de 1875. En voulant lui faire prendre la passe du chenal de Sandy Hook, le capitaine Desprès — un brave et excellent marin, dont le nom reviendra plus d’une fois sous ma plume, dans le cours de ces récits — rasa de trop près un banc de sable qui change avec les années. Pris au talon dans sa course, le Napoléon III se mit à battre l’obstacle en brèche ; mais une secousse de la vague dégageant son arrière, porta son milieu sur un bourrelet de sable. Cette nouvelle situation pouvait avoir pour le navire les plus fâcheuses conséquences. Ses deux extrémités cessant d’être soutenues, le steamer devait inévitablement fléchir et se casser. Sur l’ordre du capitaine la machine est renversée. Deux canots commandés par le lieutenant Leblanc sont mis à la mer, et font le tour du Napoléon III. À un quart d’encablure de nous, on annonce partout trois brasses de fond. Il devenait évident que nous étions saisis par le bout du banc de Sandy Hook, et déjà le brouillard se dissipant, nous laissait apercevoir la lumière rouge du phare de l’île d’Entrée. Une petite ancre de touée est alors portée à l’arrière. La vapeur est renversée de nouveau, et la manœuvre conduite de manière à ce que nous puissions égrener l’extrémité du banc, en pivotant sur notre axe. Peine inutile ; le câble de touée, mal soutenu, se prend dans l’hélice, se rompt, et bien que tout le monde fasse son devoir, le découragement s’empare de quelques-uns. Un conseil rassemblé à la hâte décide d’attendre la marée du lendemain : ce qui était plus facile à dire qu’à faire. La houle travaillait lourdement une de nos hanches, et c’était vraiment pitié, que d’entendre et de sentir sous ses pieds cra-