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Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/19

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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

poignée de nuages cuivrés qui courent vers le couchant ; relisez, avant de crayonner, ce que je viens de vous dire plus haut, et vous aurez un tableau vrai, sinon ravissant.

— Ah ! le manque de nouvelles, nous disait le brave Fafard, c’est ce qui nous rend la vie si triste. J’ai bien là, ajoutait-il en montrant sa lettre, de quoi me consoler pour quelques jours ; mais mon fils Pierre, qu’est-il devenu ? Et mon plus jeune frère, laissé malade dès l’automne dernier, est-il mort ? Et ma petite propriété du Saguenay, est-elle brûlée lors des derniers incendies ? L’incertitude fait pousser bien des cheveux blancs. Heureux encore si nous n’avons que cela — mais les jours d’hiver se font quelquefois bien longs ici ; à preuve ceux de l’an dernier. Figurez-vous que vers la fin de l’automne, dès les premières bordées de neige, ma famille fut attaquée par les fièvres typhoïdes. Les débuts de la terrible maladie en mirent sept au lit, et bientôt les autres suivirent. J’étais seul valide. Mon plus proche voisin demeurait à vingt milles, et comme les mauvaises nouvelles n’ont pas besoin d’un fort vent pour être portées au loin, le phare était déjà signalé comme un foyer d’infection aux Indiens qui faisaient un détour pour ne pas le trouver sur leur passage. Un seul homme fut touché de mon malheur. Un matin Laurent Thibeau se présenta à ma porte et me fit part de sa détermination de rester avec moi et de m’aider. Tout alla mieux pour quelque temps ; mais comme nous étions alors aux derniers jours de la navigation, les brouillards et la neige se mirent de la partie, et nous forcèrent de tirer du canon toutes les demies, quelquefois tous les quarts d’heure. Alors la vibration se faisait terrible