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Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/75

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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

de marche qu’une nouvelle tempête l’assaillait au large. Pas un havre, pas une crique ne s’offrait pour donner refuge à ces malheureux ; et cette nuit-là fut peut-être une des plus terribles qu’ils eurent à endurer. Ils la passèrent à errer au milieu des vagues et des glaces, dans une baie où le grappin ne mordait pas. On ne réussit à débarquer qu’au petit jour, au milieu d’un froid brûlant, qui ne tarda guère à faire prendre la baie, et avec elle la chaloupe. Dès lors celle-ci devenait inutile.

Il fallut donc se décider à ne pas pousser plus loin. Les provisions furent débarquées ; et de suite on se mit à l’œuvre pour construire des cabanes en branches de sapin[1], ainsi qu’un petit dépôt, où les vivres furent disposés de manière, à ce que personne ne pût y toucher sans être aussitôt vu par les autres. Puis, on adopta un règlement pour la distribution. Chacun avait droit à quatre onces de colle par jour ; et on fit en sorte que deux livres de farine et deux livres de viande de renard pussent servir au repas quotidien de dix-sept hommes ! Une fois la semaine, une cuillerée à bouche de pois venait rompre la monotonie de cette cuisine ; et en vérité, dit le P. Crespel, c’était le meilleur de nos dîners.

Les exercices du corps devinrent obligatoires. Léger, Basile et le P. Crespel allaient couper des fagots et faire du bois : d’autres transportaient l’approvisionnement aux cabanes : les troisièmes traçaient ou entretenaient la route qui menait à la forêt. Au milieu de ces occupa-

  1. Le P. Crespel qui, dans ses missions chez les Outagamis s’était mis au fait de cette étude d’architecture primitive, avoue ingénument que sa cabane était la plus commode.