existe toujours, aussi puissante qu’au moyen-âge. La mondiale boucherie de 1914-18 pourrait en fournir maints exemples mais, comme il se trouvait des inconscients mêlés aux spadassins professionnels, nous n’insisterons pas. D’autres exemples, bien trop nombreux, hélas ! sont là. Citons les beaux faits d’armes qui illustrèrent la prise de Sikasso (Soudan Français) par les « glorieuses » troupes coloniales : Après le siège, l’assaut. Ba Bemba se tue. On donne l’ordre du pillage. Tout est pris ou tué. Tous les captifs (4000 environ) rassemblés en troupeau. On fait avec eux des étapes de 40 kilomètres. Les enfants et tous ceux qui sont fatigués sont tués à coups de crosse et de baïonnette. Les cadavres étaient laissés au bord des routes. Une femme est trouvée accroupie. Elle est enceinte. On la pousse à coups de crosse. Elle accouche debout, en marchant. On a coupé le cordon sans se retourner pour voir si c’était garçon ou fille… (C.-A. Laisant). — Mentionnons cet épisode du Journal d’un marin : « Nous voici dans le Katinou, au milieu des vaincus. Là, j’assiste au plus horrible spectacle qui se soit jamais reflété en des prunelles de civilisé. Le village était pris et Bokary tué, les troupes blanches ont gagné le bord et il ne reste plus sur les décombres que les auxiliaires. L’un d’eux, en ricanant, éventre une femme mourante et s’amuse à lui casser les dents sous ses talons ; un autre émascule voluptueusement une sorte d’hercule qui râle encore et dont les deux bras carbonisés demandent grâce ; un troisième va de-ci de-là, piétinant tous les cadavres avec une indicible frénésie et plongeant le bout de sa sagaïe dans tous les yeux où brille un dernier éclair d’agonie. Celui-ci entortille de sanglants intestins sur le canon de son fusil et son voisin s’acharne à scier avec la lame ébréchée de son sabre, les seins d’une vieille dont la maigre carcasse palpite. Je vois une fillette de six à sept ans dont le corps a été tranché en deux parties égales ; à côté des tronçons, un enfantelet (le frère sans doute) est couché, son petit crâne aplati comme un fromage, et j’aperçois se tendant vers eux les bras raidis et crispés d’un cadavre de femme gisant, le ventre ouvert, dans une marmelade de viscères… » (P. Vigné d’Octon). — Lors des expéditions « civilisées » en Chine, en 1860, rappelons le pillage de Pékin : « Après que tout ce qui pouvait s’emporter eût passé dans les sacs ou pris place sur les fourgons à bagages, après que les hommes eurent dormi ou paillardé sur les étoffes les plus précieuses, on chargea le feu d’achever cette œuvre. Le Palais d’Été devint la proie des flammes : bibliothèque pleine des produits littéraires de plus de quarante générations, pagodes deux ou trois fois plus vieilles que les plus anciens monuments d’Europe, palais, kiosques, ponts pittoresques, terrasses, vases, statues de granit, de marbre, tout cela n’est plus aujourd’hui ! » (Paul Warin). — Et encore : « À la Résidence, le palais impérial a été souillé, les ambassadeurs et leurs femmes mêmes ont volé les inestimables objets d’art des appartements intérieurs, les ignobles contempleurs des sciences ont brûlé en partie la grande bibliothèque ; et comme des chiens pour un os, ils se sont battus entre eux pour les célèbres instruments d’observatoire impérial. Quant à la bibliothèque, c’est le plus grand désastre qui, depuis l’année 625, date de la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie, ait frappé la civilisation. Les pertes, surtout celle de la Grande Encyclopédie, sont absolument irrémédiables. Il faudrait détruire toutes les bibliothèques du domaine de la civilisation occidentale pour avoir le corrélatif de cette catastrophe… » (Alexandre Ular, juin 1901). — Nous pourrions multiplier les récits de ce genre, conter comment le colonel Pelissier fit enfumer dans des grottes huit cents Arabes ; comment à Lamina, le 5 juin 1894, on brûla 412 cases sur 498 après avoir pris le bétail, l’or, les
BRIGANDAGE. — Vol à main armée pillage sur les grands chemins. Au figuré : concussion, rapine. Tel est le sens que le dictionnaire donne au mot « brigandage ». Sens étroit, sens bourgeois qu’il convient d’élargir.
Par brigandage, nous entendons autre chose, et les brigands ne sont point exclusivement ceux qui attendent le passant au coin de la route pour le dévaliser dans l’ombre complice. Ceux dont nous voulons parler sont riches, honorés, haut-placés, très souvent décorés, parlent et commandent en maîtres à tous les peuples. Ces brigands-là sont extrêmement nombreux, mieux armés et plus dangereux que les autres, qui ne sont, eux, que des malheureux affamés et ne sont devenus brigands que contraints et forcés par l’état de choses actuel.
Ce sont les grands brigands qui ont engendré et engendrent les autres, les voleurs de grands chemins.
Ces derniers sont des victimes, les autres sont des coupables conscients de leurs actes et de leur conséquences.
Le patron qui fait travailler ses ouvriers pour un salaire de famine n’est-il pas un brigand, un brigand qui opère à l’abri de la loi, avec le concours des gendarmes et de la police ? Si les ouvriers se révoltent contre ce brigand, tout le régime le soutient contre ses victimes.
Grands brigands aussi les grands capitalistes et les banquiers, dont l’action malfaisante et quotidienne a pour but d’affamer les peuples, de les précipiter les uns contre les autres pour défendre des intérêts qui leur sont étrangers. N’est-ce pas du brigandage que de faire tuer par millions des hommes pour s’emparer des