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quelconque, ils se dépêchent de la rafler, de la stocker ou de l’acheter à terme chez le producteur ou le fabricant. En un clin d’œil toute la production est achetée et, généralement, par quelques individus seulement. Ceux-ci ont beau jeu pour ne la revendre qu’au prix qu’ils veulent et quand ils veulent. Il va sans dire que, les besoins étant supérieurs aux offres, le produit ou la marchandise subissent une forte hausse, et c’est presque toujours sur le cours supérieur, que se stabilisera, pour un temps, le prix à venir de ce produit ou de cette marchandise, avant de préparer le prix à une opération spéculative ou un coup de Bourse, ce qui revient au même.

Lorsque nous avons traité l’accaparement, nous avons aussi démontré, comment par le jeu de la resserre, de la cessation d’envoi, les mandataires aux Halles provoquaient la hausse des denrées de première nécessité et périssables. C’est encore une forme de la spéculation à la hausse.

La spéculation, en temps normal ne réussit pas toujours et souvent des groupes rivaux provoquent des baisses qui, en quelques jours, ruinent leurs concurrents non prévenus ou moins forts, moins soutenus par les Banques. Une spéculation à la baisse reste presque sans influence sur les cours du détail. Elle reste aussi inconnue au consommateur qui ne peut en bénéficier ; souvent encore elle n’est que le prélude d’une spéculation à la hausse lorsque la concurrence est supprimée et, alors, le consommateur connaît la hausse chez le détaillant, s’il n’a pu bénéficier de la baisse.

Comme on le voit, ce sont là des opérations assez compliquées, mais courantes. La spéculation est sans nul doute le principal facteur normal de la vie chère.

Sous-production d’objets nécessaires et surproduction des objets dont la fabrication est supérieure aux besoins. — Comme nous l’indiquons en traitant du chômage, la production est organisée non pas en vue de la satisfaction des besoins mais, au contraire, pour la réalisation des profits. Il en découle, forcément, que des productions utiles mais peu rémunératrices, sont délaissées au profit de productions moins utiles mais plus avantageuses ; que des produits, denrées, cultures diverses, indispensables pourtant, ne sollicitent pas l’effort, tandis que d’autres, moins nécessaires mais d’un meilleur rapport sont poussés au-delà des besoins.

Il est de toute évidence que les produits dont l’utilité, la demande est supérieure à l’offre, à la production sont vendus, même sans spéculation, à un prix supérieur à leur valeur réelle et provoquent ainsi une hausse partielle du coût de la vie. Si on considère que nombreux sont les produits et denrées pour lesquels il en est ainsi, on concevra facilement que cette organisation capitaliste de la production soit un facteur sensible de vie chère.

La contrepartie n’existe d’ailleurs pas pour les produits dont la production est supérieure aux besoins. Le développement de ces besoins d’une part, la spéculation, la destruction ou le stockage d’autre part, permettent aisément aux détenteurs, spéculateurs et intermédiaires de fixer le cours qu’ils veulent. Ainsi l’abondance du vin, depuis la guerre, en France, n’a pas fait baisser le prix de cette marchandise. Elle a tout simplement suivi le cours général des autres marchandises et, le consommateur n’a pas bénéficié, le moins du monde de cet excédent réel de production. Il a consommé davantage et c’est tout.

Impossibilité d’achat à l’étranger en raison de la dépréciation du change et installation d’industries de remplacement non adéquates au pays. — La dépréciation trop considérable de la monnaie d’un pays ne

permet plus à ce dernier de s’approvisionner en denrées coloniales, en produits étrangers dans les pays à change haut.

Conséquemment, il doit chercher, dans la mesure du possible à vivre sur lui-même. Pour cela, il est obligé de créer de toutes pièces des industries de remplacement pour lesquelles il n’est pas outillé, pas préparé ni approvisionné en matière première.

En produisant des « ersatz », des objets ou marchandises qui lui font défaut, ou en s’approvisionnant en matières premières au lieu des produits finis, il arrive parfois à se suffire ou à peu près. Mais toutes ces installations, tous ces achats, faits, il est vrai, en monnaie du pays, n’en coûtent pas moins très chers et provoquent une augmentation du coût de la vie.

Le protectionnisme. — En protégeant, et souvent d’une façon extrêmement outrancière, les produits ou l’industrie du pays, les dirigeants obligent la population de ce pays à vivre sur ses ressources ; s’il arrive que la récolte ou la production soient déficitaires et qu’il faille acheter au dehors, le prix de la marchandise importée subit une hausse correspondante à l’importance de l’achat extérieur.

En outre, le cours de la marchandise du pays, dont la parité s’établit sur le cours extérieur, subit une hausse de même importance.

Parfois les gouvernements baissent bien les droits de douane pour la marchandise nécessaire, mais le vendeur, par représailles, tenant compte du droit normal, majore d’autant le prix initial. Enfin, la spéculation, agissant extérieurement et intérieurement, pousse à la hausse en tenant la dragée haute aux acheteurs directs, aux détaillants et ceux-ci, par répercussion, aux consommateurs.

Le protectionnisme est donc une cause certaine d’augmentation du coût de la vie et les droits prohibitifs dont sont frappés marchandises et produits retombent en fait sur le consommateur. Seuls le commerce et l’industrie du pays protégé en bénéficient, puisque toute concurrence extérieure devient impossible.

Les impôts. — Les impôts divers : chiffre d’affaires, taxe de soi-disant luxe et surtout les impôts indirects, droits d’octroi, etc., sont aussi une cause permanente de vie chère. Rentrant dans les frais généraux des exploitants, fabricants, industriels et commerçants pour leur valeur réelle, ils sont majorés, plusieurs fois leur valeur et, en définitive, payés entièrement par le consommateur.

L’annonce de nouveaux impôts donne toujours lieu à une augmentation sensible du coût de la vie. Pour peu que les choses traînent en longueur, que le Parlement discute quelques mois de la nouvelle taxe, on peut-être certain que le consommateur subira trois ou quatre augmentations sur denrées, loyers, etc., etc., ce qui ne l’empêchera pas, au vote de la loi ou à la mise en vigueur du décret. de subir l’augmentation majorée comme il convient et cela parait normal aux vendeurs. Hélas ! le commerce comme la propriété, c’est bien le vol, a dit Proudhon !

Il y a enfin des causes locales ou régionales d’augmentation du coût de la vie. L’affluence de la troupe, le gros mouvement des affaires, les situations spéciales occupées par les stations balnéaires ou climatériques, la présence dans une localité d’une industrie neuve à gros bénéfices, payant de hauts salaires sont autant de causes de vie chère.

Le calcul du salaire réel ou pouvoir d’achat s’obtient de la façon suivante : nombre indice du salaire réel ; nombre indice du salaire nominal x 100 ; nombre indice du coût de la vie ce qui veut dire que le salaire réel s’obtient en divisant le nombre indice du salaire nomi-