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d’hommes devient évidemment toujours meilleure devant le tribunal civil, tribunal de classe.

Le salarié qui veut assigner devant le conseil de prud’hommes se rend au secrétariat du conseil de prud’hommes situé dans le rayon de territoire du lieu de son travail. S’il travaille en dehors d’un établissement, il s’adressera au conseil ressortissant du lieu où s’est fait l’embauchage. Il exposera son cas très sommairement et versera la somme du coût de la lettre de convocation qui sera adressée au patron : rendez-vous pour la conciliation. La loi autorise les parties à se présenter sans convocation préalable devant le bureau de conciliation, s’il y a accord. Les parties peuvent se faire représenter par une personne exerçant la même profession que la leur, par un avocat, ou par un avoué. Sauf avocat ou avoué, la personne représentant l’intéressé doit être munie d’un pouvoir sur papier libre et non enregistré. Une simple lettre peut suffire. Au bas de la convocation ou de l’original ou de la copie de l’assignation, les mots « Bon pour pouvoir », suivis de la signature, sont indispensables.

Les audiences du bureau de conciliation ne sont pas publiques. Les hommes d’affaires ne peuvent assister les parties. Si l’affaire est importante, délicate ou compliquée, le salarié fera bien de se faire assister d’un avocat. En exposant brièvement son cas, il en fera la demande au bâtonnier de l’ordre des avocats près le tribunal qui en désignera un d’office. En cas de non comparution au jour et heure fixés, l’affaire est renvoyée à une prochaine audience. Le demandeur explique sa demande, expose son cas, et, s’il y a arrangement ou conciliation, il en est dressé procès-verbal. S’il y a serment d’une des parties sur la demande de l’autre, la contestation prend fin ; si le serment est refusé, il en est fait mention au procès-verbal et l’affaire est renvoyée à la prochaine audience du bureau de jugement, la conciliation étant impossible.

Le mineur doit être représenté par son père ou son tuteur ; le conseil peut l’autoriser à soutenir lui-même ses droits. La même autorisation peut être donnée à la femme mariée.

L’article 6 de la loi du 13 juillet 1907 fonde la femme mariée à ester en justice dans toutes les contestations relatives au produit de son travail personnel, dont elle a la libre disposition, sans l’assistance, le secours ou l’autorisation de son mari.

S’il n’y a pas eu conciliation ou si le défendeur ne s’est pas présenté, c’est le bureau de jugement qui devra statuer. Pour cette seconde comparution, il faut préalablement se rendre au secrétariat en vue d’une seconde convocation. Celle-ci se fera par lettre recommandée ou par assignation délivrée par huissier. Il y a à payer le coût de l’assignation, plus les frais de vocation. Il y a lieu, pour le salarié, de bien définir ce qu’il demande et de bien expliquer son cas au secrétaire chargé de convoquer ou à l’huissier qui assignera ; si, n’ayant pu se concilier, les parties sont d’accord pour éviter des délais et des frais, elles peuvent comparaître en portant elles-mêmes leur affaire devant le bureau de jugement qui statuera sur-le-champ. Elles pourront se faire représenter, comme pour la conciliation, et par les mêmes personnes. Elles seront entendues contradictoirement et le tribunal rendra son jugement ou l’ajournera à une prochaine audience. Le conseil pourra exiger des parties qu’elles prêtent le serment pour affirmer leurs déclarations. Le demandeur pourra obtenir du conseil un jugement ordonnant certaines mesures urgentes et conservatoires. Le conseil pourra ordonner la vérification d’écritures, de pièces, de lieux, l’expertise et la comparution de témoins. Ouvriers et employés de la maison du patron peuvent être cités et entendus comme témoins.

Les jugements des conseils de Prud’hommes sont susceptibles d’appel seulement en cas d’incompétence,

de connexité, ou de dépendance, ou quand la somme en litige dépasse le maximum (300 francs). Délai d’appel : dix jours à compter du jour de la signification du jugement. Le conseil peut ordonner l’exécution provisoire du jugement pour le quart de la somme en litige, sans qu’elle puisse dépasser 100 francs. Il peut ordonner l’exécution pour la totalité, à condition d’avoir au préalable fourni caution.

Au cas où un jugement aura été rendu par défaut, c’est-à-dire en l’absence du défendeur, il pourra être frappé d’opposition dans un délai de trois jours francs, à compter du lendemain de la signification du jugement. L’opposition arrête l’exécution du jugement, mais n’empêche pas l’exécution provisoire par provision, ni les mesures conservatoires qui auraient pu être ordonnées. Un délai de six mois est accordé pour l’exécution des jugements des conseils de Prud’hommes.

La partie qui reçoit de son adversaire un acte d’opposition doit comparaître devant le conseil aux jour et heure fixés dans cet acte. L’affaire est alors jugée comme si elle venait pour la première fois. Le jugement de défaut ne compte pas. En cas d’un second défaut, une seconde opposition ne sera plus recevable. L’appel et l’opposition se forment par voie d’huissier.

La cour de cassation ne peut connaître des recours contre les jugements des conseils de Prud’hommes qu’en cas d’excès de pouvoir ou violation de la loi. Ces pourvois en cassation seront déclarés au secrétariat du conseil de Prud’hommes et inscrits sur un registre spécial. Le pourvoi en cassation ne suspend jamais l’exécution du jugement.

Pour agir avec prudence et sécurité, dans son intérêt matériel et moral, l’assuré doit ne pas craindre de se renseigner aux militants expérimentés de son syndicat ou, mieux encore, au conseiller Prud’homme de sa catégorie qui lui donnera la marche à suivre pour l’assignation, pour l’assistance judiciaire et pour tout ce qui peut lui garantir l’avantage et la réussite de sa demande.

Les syndicats ont compris la nécessité de désigner des camarades éclairés, dévoués et de conviction sincère pour soutenir, défendre et faire triompher les intérêts des salariés devant la juridiction des Prud’hommes. Ce n’est plus un tribunal de classe, mais un tribunal paritaire où il y a chance d’impartialité et de justice. C’est sans doute pour cela que, souvent, les patrons préfèrent se réfugier dans le maquis de la procédure plutôt que d’affronter la contradiction loyale des tribunaux composés en parties égales de patrons et d’ouvriers pour toutes les catégories de travailleurs salariés. Au point de vue syndical, le conseil de Prud’hommes a l’utilité d’initier les travailleurs à la défense de leurs droits. Ils se défendent ainsi avec les seules armes que la bourgeoisie leur tolère, avec tant de parcimonie et souvent malgré elle.

Le militant syndicaliste, devenu Conseiller Prud’homme par le suffrage de ses camarades, ne doit jamais oublier qu’il est, par devoir et par conscience, le serviteur fidèle des intérêts qui lui sont confiés par ses frères, exploités comme lui sous le régime du salariat. Certes, ce n’est pas la juridiction des Prud’hommes qui peut porter d’efficaces coups de pioche contre ce régime, mais il n’y a rien qui puisse, dans ce palliatif judiciaire d’intérêt individuel, détourner le travailleur des moyens plus énergiques de l’action directe et collective du prolétariat en œuvre d’émancipation.


Il faudrait un fort volume – que dis-je ? Il en faudrait plusieurs – pour faire l’historique des Prud’hommes. Pour connaître de façon complète tout ce qui concerne la théorie et la pratique des conseils de prud’hommes, des ouvrages existent, utiles à consulter, impossibles à résumer. La librairie Dalloz – pour ne citer que cette librairie spéciale – a publié, en 1905,