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celle de l’esprit ; elle accorde une grande place à l’hygiène, aux notions d’hérédité…

Il faut qu’au moment de se marier, chaque personne s’assure de sa santé et de celle de son conjoint et sache que, si elle est affligée d’une intoxication ou infection, elle risque de mettre au monde un petit être anormal ; il faut qu’elle connaisse le danger de s’unir au porteur de la même tare que celle dont elle est affligée. Pourquoi cet examen médical prématrimonial semblerait-il offensant au seuil d’un des plus importants actes de la vie, alors que cet examen est réclamé par une simple compagnie d’assurances. — Dr Govaerts. (Voir le mot Hérédité.)

Supposons l’enfant conçu dans les meilleures conditions possibles, par des parents sains, conscients et éclairés. Cela ne suffit pas : il y a une hygiène spéciale aux futures mamans. Hygiène de l’esprit d’abord. Pendant tout le temps de la grossesse, il faut éviter à la femme enceinte les émotions trop vives, les idées obsédantes et les chagrins. Ce n’est pas souvent possible dans les milieux pauvres ; et là où le souci du lendemain troublait déjà l’esprit, l’attente d’une nouvelle bouche à nourrir, d’un enfant qu’il faudra vêtir et soigner ne peut qu’amener des soucis nouveaux : « Toutes les impressions morales et physiques de la mère ont leur retentissement sur l’enfant, et contribuent à modifier sa constitution comme son caractère. Les Grecs, qui avaient connaissance de ce fait, avaient pris coutume d’isoler les femmes enceintes dans des jardins et des appartements spéciaux, ornés d’œuvres d’art, et il était interdit de leur donner le spectacle de laideurs ou de difformités. » (Marestan).

Les ouvrières sont, de nos jours, placées dans un milieu moins favorable, mais cependant elles ne doivent point oublier qu’elles-mêmes peuvent influer favorablement ou défavorablement sur l’enfant qui s’agite en leur sein. On ne peut, certes, pas être très gai quand il y a de la misère à la maison et plus de misère encore en perspective. Cependant, on peut combattre sa tristesse, s’imaginer un avenir meilleur, faire des lectures gaies, comme on peut aussi faire l’inverse ; et c’est si vrai qu’il est des personnes riches, bien portantes, n’ayant nulle raison d’être tristes et qui se complaisent dans une tristesse morbide, se plaisent à évoquer des scènes pénibles, etc. Pour être gaie, douce, affable, patiente, la future maman doit d’abord le vouloir.

« D’autre part, elle devra veiller plus que jamais sur sa santé. Dès le début de la gestation, elle portera des vêtements amples, afin de ne gêner en aucune façon le développement de l’utérus ; elle supprimera les jarretières et remplacera le corset par une ceinture de grossesse. Son alimentation sera substantielle ; certains médecins conseillent d’y ajouter du phosphate de chaux, l’enfant prenant à la mère les sels minéraux dont il a besoin pour son développement. Elle veillera à la régularité de ses fonctions digestives, la constipation pouvant provoquer des hémorragies ou des fausses couches. Pour éviter les crises d’éclampsie, si dangereuses, elle fera examiner ses urines tous les mois pendant le premier semestre, tous les quinze jours environ pendant les deux mois suivants, et tous les huit jours le dernier mois. Si l’examen décèle la présence d’albumine, elle se mettra au régime lacté. Vers le septième mois, elle demandera au médecin ou à la sage-femme de vérifier la position du fœtus et de la rectifier au besoin. Elle ne changera rien à ses habitudes de propreté corporelle, c’est-à-dire qu’elle prendra comme de coutume bains de pieds, grands bains, douches et injections vaginales.

« Elle devra surtout, et pendant toute la durée de la grossesse, éviter le surmenage. Les trois derniers mois, le dernier tout au moins, devraient être pour elle un temps de repos presque absolu. » (Josette Cornec).

À vrai dire, les femmes d’ouvriers peuvent, en Fran-

ce, bénéficier de la loi d’assistance aux femmes en couches, mais l’allocation donnée demeure insuffisante pour suffire à permettre le repos prévu pour le dernier mois. La société capitaliste ne protège pas suffisamment les mères contre les privations et la misère, et, d’autre part, celles-ci sont déjà désavantagées par l’inégalité de l’homme et de la femme sur le terrain économique : plus bas salaires, etc.

III. La puériculture après la naissance. — Si nous nous reportons à la définition du docteur Weill-Hallé, nous voyons qu’il convient d’abord d’éviter tous les accidents fâcheux lors de la naissance. De ceci nous ne dirons rien : nos lecteurs savent bien que, malgré les « maternités » et quelques autres œuvres, les enfants des prolétaires se trouvent, ici encore, dans une situation plus défavorable que les petits riches. Notre seconde définition nous indique que le premier but de la puériculture, après la naissance, est d’empêcher les enfants de mourir.

La mortalité enfantine est, en France, d’environ 10 pour cent. Ceci constitue déjà un progrès. En 1886, à Paris, la mortalité infantile était de 16 pour cent ; en 1901, elle était tombée à 12 pour cent et, depuis, comme nous venons de l’indiquer, elle a diminué encore. Pas encore autant qu’elle le pourrait, puisque, actuellement, elle est, en France, approximativement le double de ce qu’elle est en Angleterre, en Norvège, en Hollande, aux États-Unis, et le triple de ce qu’elle est en Nouvelle-Zélande, où le taux est de 3 pour cent, le plus bas du monde entier.

Ce problème de l’abaissement de la mortalité est intéressant à considérer, non seulement pour diminuer le nombre excessif des décès « mais pour rechercher et éviter les causes de maladies qui laissent un très grand nombre d’enfants avec une santé débile ».

« On peut diviser les causes des décès des enfants en bas âge en deux grandes classes : les causes immédiates, c’est-à-dire les lésions organiques qui entraînent directement la mort, et les causes médiates, les plus utiles à connaître pour éviter les premières et qui en déterminent l’apparition. Souvent, en effet, quand la maladie existe, il est difficile d’y remédier, alors qu’il eût été relativement facile de l’éviter.

« Causes immédiates. — La plus importante est la gastro-entérite, qui compte pour 62 pour cent des décès. Elle est l’aboutissant d’un régime défectueux (surcharge alimentaire, lait frelaté, administration des aliments farineux avant le 7e mois). Les convulsions comptent pour 10 pour cent dans les décès, mais beaucoup de ces convulsions sont l’épisode terminal de la gastro-entérite. Les affections des organes respiratoires comptent pour environ 14 pour cent, les maladies contagieuses 2 pour cent, la faiblesse congénitale environ 6 pour cent.

« Causes médiates. Dans l’immense majorité des cas, les affections précédemment citées et qui entraînent un si grand nombre de décès sont sous la dépendance de trois facteurs de première importance qui sont : l’ignorance, la misère et le défaut d’hygiène générale.

« a) Ignorance. En pratique, la puériculture n’existe pour ainsi dire pas, l’élevage des enfants est livré aux préjugés et au hasard dans toutes les classes de la société. Les mères ne reçoivent aucune préparation dans ce but. C’est surtout dans l’alimentation que se commettent des erreurs capitales, qui déterminent l’apparition de la gastro-entérite et les convulsions, qui amènent 70 pour cent des décès.

« b) Misère. La misère des parents est une des grandes causes du manque d’allaitement de l’enfant par la mère. Cette dernière est obligée, par le manque de ressources, d’aller travailler à l’usine ou à l’atelier…

« Ce manque d’allaitement maternel aboutit à l’allaitement au biberon, qui compte pour 16 pour cent de décès, alors que le premier mode d’allaitement ne compte que