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À Travers l’Inde en Automobile

une sorte d’extériorisation de la sensibilité qui leur permet de marcher sur du verre, des clous, de passer des jours le dos au feu, sanglants, écorchés, brûlés, sans ressentir la moindre douleur, et l’on s’est demandé si les applications de certains toxiques de la médecine indigène, encore inconnus à l’Occident, n’auraient pas le pouvoir de provoquer chez eux ces anesthésies.

Le Joguï de Chitulgurh n’a pas atteint le degré voulu de perfection et il a d’autant plus peur de renaître, qu’il est très las de vivre. Son regard exalté interroge longuement nos visages, puis il me dit simplement, que jadis, dans une lointaine incarnation, j’ai dû être bonne pour lui. Peut-être étais-je une feuille d’arbre et lui le voyageur tourmenté que j’ai garanti du soleil, ou bien le grain de riz qu’il mangeait, le rayon de lune qui guidait sa route, la source dont il buvait.

Dans sa reconnaissance il m’offre son unique ornement, un collier de terre vitrifié ; comme je le remercie, il étend la main vers l’immensité des monts qui se perdent au loin et me dit : « Souviens-toi de moi au jour de ta réincarnation ».