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À Travers l’Inde en Automobile

ment se lit sur les visages en voyant des Sahebs être traités aussi somptueusement par le Gaikwar. Un vieillard, simplement vêtu, parlant bas, s’approche du prince ; le vieillard paraît insister pour obtenir une faveur. Le prince hésite, puis il se tourne vers moi et me demande si je verrais avec plaisir des femmes Tatares, séjournant à Baroda, qui offrent de terrasser les plus habiles lutteurs du pays. Il accepte, et le vieux musulman, leur barnum, va les chercher dans un caravansérail voisin. De ma vie, je n’ai vu créatures aussi disgracieuses.

Elles sont cinq, de petite taille, les cheveux collés sur les tempes, le teint terreux, les vêtements en lambeaux. Leur face est écrasée, olivâtre, leurs membres musclés, leurs mains grosses et tannées. Un goitre naissant achève de défigurer la plus jeune, le premier sujet de la troupe.

Elles interpellent plusieurs hommes et leur proposent une joute musculaire. Tous déclinent sans façon l’honneur de figurer dans cet engagement. Les belles personnes s’impatientent, elles ont hâte de se mesurer avec un ennemi digne d’elles ; mais bien que Sampat Rao allèche les professionnels de la lutte, nombreux à Baroda, par un prix de cent roupies, aucun ne se soucie d’exposer sa réputation sportive. Ils s’en excusent avec l’astuce orientale qui couvre toujours le véritable motif, par une affectation de gravité raisonnable posée en axiome ou en dilemme. L’un d’eux baise la terre devant nous en s’écriant : « Femme, si je te bats, l’on dira : Où est la gloire ? n’était-il pas homme ? et si je me laisse vaincre, quel honneur y aura-t-il pour toi ??? » L’argument les laisse sans réplique.


18 DÉCEMBRE.


Le Gaikwar n’a pas voulu que nous quittions ses états sans avoir assisté à l’un des plaisirs les plus réputés de son territoire, la chasse au cheetah. L’on se sert de cet animal mi-léopard, mi-jaguar comme d’un faucon destiné à poursuivre du gros gibier. Ce matin, Kodah nous a éveillés à la pointe du jour, en nous apportant les « salam » d’un officier du palais, notre compagnon de battue, qui nous faisait prier de nous hâter pour jouir de la fraîcheur de la matinée avant l’ardeur du soleil. Nous traversons en voiture une campagne fertile, bien irriguée, des champs de coton, blancs et floconneux, la principale richesse du pays. À Makrapura tout dort au palais ; les jardiniers arrosent à larges jets d’admi-