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Le Fils d’une Bayadère

des guirlandes d’argent garnies de milliers de bougies fumeuses. Les murs, jusqu’à hauteur d’appui, disparaissent derrière les coffres à robes, en argent et en cuivre. Dans la pénombre, le relief s’accuse ; les chevauchées de dieux, les écureuils qui grignottent, les paons qui soutiennent Sarswati, Ganesch et son éléphant, tout ressort, luit, les métaux précieux se plient, ondoient, se fondent en un éblouissement, en une lumière générale dont je reste quelque peu étourdie.

D’une façon vague, j’aperçois enfoncées dans des divans de soie rouge, quatre petites princesses rieuses et parées. Elles ont l’air de sœurs jumelles, toutes habillées de même ; jupes bordées de franges aux glands d’or, voiles incrustés d’opales, émeraudes, rubis, diamants dans les cheveux, aux oreilles, au nez, aux pieds tatoués d’emblèmes de l’ancêtre Krisna. De chaque doigt partent des chaînes de perles attachées à une bague et qui vont se réunir dans un cercle d’or au poignet, couvrant les mignonnes mains d’un somptueux bijoux.

Une grande concorde semble régner entre les épouses du Jam, et il s’efforce de les maintenir dans cette paix, en leur prodiguant également les suivantes, les richesses, les friandises, mais il garde pour Jamba son amour de prédilection. Cette princesse, d’une beauté médiocre, a dans la physionomie la lourdeur de mâchoire de la caste Radjput ; ses dents sont noircies et abîmées. Elle paraît d’intelligence moyenne et n’a rien de la spirituelle vivacité des « bégums » de Moorshidabad.

Les femmes indoues ont de solides et sérieuses qualités de fidélité, de patience, d’amour endurant que l’on rencontre peu chez les mahométanes, par contre, elles ne peuvent, au point de vue de l’esprit et de la beauté, rivaliser avec les suivantes du Coran. Cette différence de races est très apparente lorsqu’on compare les femmes du Jam et Sura Bai, la princesse Bayadère dont les bardes répètent l’histoire sur leurs grossiers rebecs. Ses belles-filles vont tous les jours lui rendre leurs devoirs ; aujourd’hui, elles m’emmènent avec elles.

La Bani nous reçoit assise dans un fauteuil, ses caméristes affalées à ses pieds ; l’une d’elles agite au-dessus de sa tête un éventail de plumes de paon, l’oiseau favori de Kartihukia, le dieu de la guerre. Son visage, encore très jeune, a une expression de réserve hautaine, familière aux musulmanes. Ses doigts, presque blancs, terminés par des ongles effilés tachés de carmin, sont couverts de bagues, elle ne porte aucun autre bijou.

Cette princesse a fait preuve, durant la minorité de son fils dont la tutelle lui a été confiée, conjointement avec le Gouver-