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Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/127

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STRASBOURG- CHEZ GALVlN· 109 nase, quelque modeste emploi scolaire qui, en rémunerant une partie de son temps, devait lui permettre de consacrer l’autre aux études théologiques. Essayons maintenant de pénét1·er, avec notre _héros, dans ce petit cénacle de la maison de Calvin et de passer rapide- ment en revue les jeunes gens qui forment alors l’entourage du Réformateur. Presque tous sont pauvres, si pauvres que c’est merveille qu’ils arrivent ai s’instruire : il y faut des pro- diges d`éeonomie et une obstination que Calvin lui-même admire par moments. Il a pour cette jeunesse une sollicitude qui est mieux que de la tendresse 2 on dirait qu’il les aime non pas pour eux, non pas pour lui, mais pour les services qu’ils rendront à la sainte cause. Il écrit ii Théodore de Beze (30 mai 1540) : · Si nous voulons bien pourvoir aux profits de l'Église, il nous faut appeler à l'oftice de pasteurs tels gens qu’ils puissent quelque jour sou- tenir la charge après nous. Combien que je soye jeune, toutesfois quand je voy ma dèbilité et indisposition de mon corps, j’ay soin de ceux qui seront après nous, comme si j’estoye déjà vieil. Un vieillard, le mot est juste, bien qu`étrange ii l’age qu’avait Calvin. Il _les suit avec l’inquiétude d’un homme ii qui la vie va échapper et qui dépositaire d’un trésor, n’ayant · pas le droit de le laisser disparaître avec lui, cherche en hate à qui le transmettre. De là, le ton de ses lettres quand il parle d`eux ou quand il leur écrit pendant ses séjours aux dietes d'Allemagne : c'est une atfection rigide et grave qui ne s’abandonne ni ne s’attendrit. Calvin n`a d’épanchements, ne trouve d’accents émus que pour leur montrer l’oeuvre qui les attend. Il se reproche- rait les paroles et les minutes perdues 1 son cœur ne bat' que par les idées ou plutôt par une seule, l’idée de Dieu. Aussi bien, qu`est-ce que l’homme pris en lui-meme? Vau- drait—il qu’on y prit garde s’il n’avait pour raison d’etre de servir d’instrument a Dieu? Dans chacun de ces disciples, ce qu’il voit et ce qu’il estime, ce n’est pas l’homme, c’est le serviteur de Dieu. Le reste il l’oublie en eux, comme il