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Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/238

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220 Siiansricw rmsrmntiou. des questio11s de parti,. tous ceux que frappaient ces 11o11— veaux et austeres reglements, toute une génératioii qui, se souvenant des « grandes foires et fetes » du regime savoyard, maudissait le rigorisme de cet homme du Nord; puis encore dans le peuple et meme dans la bourgeoisie protestante, ce fond de bon sens, ce reste d’esprit gaulois fait de gaieté et de liberté qui protestait en riant contre cette résurrection en masse des édits somptuaires, des ordonnances ecclésiastiques, et de la police et de la théocratie du moyen fige. Parmi tous ces mécontents, Castellion se distingue préci- sément parce qu’il ne fait point cause commune avec eux: ce qui l’i11spirc, lui, ce n`est ni l’anin1osité politique des vieux Genevois —- il est Français comme Calvin, — ni ce secret penchant au scepticisme, cet amour de la vie joyeuse qu’on reproche aux Bonivard et aux Marot — il est aussi croyant et aussi 1·igide que Calvin. De quoi donc se plaint—il’? Uniquement de cette reconstitu- tion d’une autorité absolue, nouvelle et presque aussi redou- table forme du catholicisme. Calvin lui-mème dans ses lettres le dit et le redit expressément : Castellioii lui reproche de to111·ne1· au pape. ‘ A ce moment en effet, ou Calvin ne fait qu’inaugurer soin règne, Castellion ose réclamer 11on pas, comme il le fera plus tard, un peu de liberté, mais toute la liberté, et nou pas seu- lement dans l’Etat, mais dans l‘Église. A ce moment, il revendique — nous venons de le voir — la liberté d’interpré- tation et le droit de divergence dans les opinions secondaires a11 sein même du clergé. Pl11s tard il s'estimera trop heureux s’il obtient seulement pour le dissident le droit de vivre! · Il paraît bien que le caractère presque impe1·som1el de ce 'premier conflit et sa gravité, sous des fo1·mes si douces de part et d’autrc, avait frappé les contemporains. Plusieurs mois, plusieurs années apres, nous y trouvons des allusions fréquentes dans les registres du Conseil ‘ et dans ceux du 1. En janvier 1546, il faut que le Conseil intervienne : lc syndic Claude itoset, l'un des _ hommes les plus considérables de Genève, n’avait pas hésité à dire à Viret lui-même ce qu‘iI pensait du renvoi dc Sébastien et de Chnmpereau, double preuve à ses yeux de Pintoléruncc et de Vabsolutisme de Calvin. Le Conseil parvinta les réconcilier, mais il ne changea rien au fond des sentiments, qui vont au contraire sïiccentuant ix mesure que succentuent les situations elles-mêmes. (Lettre de Calvin ii Viret, Opp. Calv., X11, 2i9.) .