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Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/43

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où il trouva une ressource en s’attachant comme répétiteur à des jeunes gens de famille riche. Rudin, dans les Vies des Professeurs de Bâle, faisant allusion à ces rudes débuts, le loue d’avoir tant aimé l’étude et d’avoir su conquérir les moyens de s’y livrer privata prorsus industria[1]. Ce renseignement est précisé par un autre biographe dont nous constaterons souvent l’exactitude scrupuleuse, quoiqu’il écrive en vers. Il s’appelait Paul Cherler, et il s’est fait une notoriété comme auteur d’Epitaphes (latines) qui sont des biographies parfois très riches. Il dit dans l’épitaphe de notre Chatillon, dont il avait été l’élève affectueux et reconnaissant :


Lugduni docuit primum; linguamque pelasgam
Ista nobilibus legit in urbe tribus.


Enfin nous trouvons dans une page écrite par Chatillon, vingt ans plus tard, une allusion transparente à ce moment critique de sa laborieuse carrière.

Un personnage de son dialogue de Fide, voulant faire entendre ce que c’est que la foi naïve, la foi de l’enfance et de la jeunesse, en donne cet exemple :


Je me rappelle qu’il m’est arrivé quelque chose de semblable dans ma première jeunesse (mihi adolescentulo) : je vivais dans la condition la plus pauvre quand je fus appelé dans une famille noble et riche.

Je me souviens comme à cet appel je me sentis changer. J’étais donc délivré : plus de souci, plus de ces inquiétudes qui m’avaient tourmenté jusqu’alors ! Aussi, comme mes parents devaient m’envoyer une petite somme d’argent, je me hâtai de leur écrire de n’en rien faire, qu’en effet je ne manquerais plus d’argent désormais. D’avance je me représentais la demeure, les lieux, les personnes chez qui j’allais habiter, quoique je ne les eusse jamais vus[2].


Guidé par ces premières indications, nous avons cherché, sans grand espoir, si nous ne saisirions pas quelque autre trace du séjour de l’étudiant à Lyon. Le collège de la Trinité n’était pas une académie organisée : impossible de recourir

  1. « Gratia tamen Dei concessit ut in summa paupertate animum non abjecerit, quin potius eo alacrius ad bonarum literarum studia erexerit et primum quidem privata prorsus industria. Qua tantum profecit ut ipse adolescens trigæ nobilium adolescentium erudiendæ Lugduni adhiberetur. » ― Rudin, Vitæ professorum, manuscrit à la bibliothèque de Bâle.
  2. De Fide, p. 202; voir aussi 201.