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Page:Ferdinand Genissieu - En prenant le thé (1868).pdf/65

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Une main gantée

Elle retourna d’un mouvement brusque sa tête vers la musique, et d’un geste saccadé, ôta ses gants, qu’elle jeta sur le piano.

Je n’osai regarder… Elle plaqua d’eux accords : — C’est ce morceau que vous voulez ? me dit-elle d’un ton assez bref et sans tourner la tête.

Je fus piqué et je regardai….

Bon Dieu !… J’en suis encore tout pâle — ce n’étaient pas des mains, mon très-bon, mais de vrais boudins, enflés, rouges et fendillés :

La belle Blanche avait… des engelures.

Je reculai pétrifié, les yeux fixés sur ces mains-là.

La pauvre fille s’aperçut vite de ce que je ressentais et devint fort pâle. Elle me jeta un regard que je n’oublierai de ma vie, mais c’était plus fort que moi, j’étais dégoûté.

Eh quoi ! tous les hivers, toucher ces mains-là, des doigts qui ressemblent à de la baudruche soufflée, et puis y mettre des cataplasmes, des onguents !… Oh ! rien que d’y penser j’en ai froid dans le dos !

Songe donc ! pour un raffiné comme moi, la perspective de ne pouvoir, de toute une saison, baiser les mains de ma femme ! Être obligé de faire, pendant