Aller au contenu

Page:Fertiault - Le Carillon du collier, 1867.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
LE CARILLON DU COLLIER


Qui donc a fait de moi la Courtisane immonde ?…
Ah ! vous vous regardez !… Regardez-vous bien tous.
Interrogez-vous bien, et, s’il faut qu’on réponde,
La Femme sans honneur vous répondra : C’est vous !

Oui, c’est vous qui m’avez provoquée et perdue,
Promis des jours riants loin des jougs obsesseurs.
Piquante était la vierge à votre amour vendue…
Et pourtant vous avez des mères et des sœurs !

Pure, j’eusse gardé ma jeunesse comme elles ;
Comme elles j’eusse aimé d’un légitime amour,
Et peut-être nourri du lait de mes mamelles
Un enfant, autre moi, gardé pur à son tour.

Mais que vous importait la fleur droite… ou penchée !
Votre appétit voulait sa fraîche floraison.
À mon foyer futur vous m’avez arrachée
Pour goûter l’oasis hors de votre maison.

Blasés, vous avez soif de senteurs virginales ;
Pour tapis à vos pieds vous abattez des lis ;
Vous ventilez vos fronts de brises matinales
Que vous méphitisez avec vos fronts salis.

Et vous vous étonnez quand ces folles maîtresses,
Lasses des faux plaisirs que vous leur infligez,
Par caprice, parfois du fond de leurs détresses
Se révoltent, broyant vos chastes préjugés ?

De grands mots font frémir vos lèvres indignées ;
À peine domptez-vous votre cœur en ses bonds ;
À vos courroux altiers nous sommes désignées ;…
Vous devez votre perte à nos goûts vagabonds ! —