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Page:Feydeau - Le Juré, monologue, 1898.djvu/16

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A côté de ça, ils ont condamné à la peine de mort un pauvre habitant de Saint-Denis, qui avait la mauvaise habitude de chouriner dans sa commune toutes les femmes de soixante ans… Un manique, quoi ! Eh bien ! vraiment la peine est exagérée ! Enfin, qu’est-ce que ça me fait à moi qu’il chourine des femmes de soixante ans qui habitent Saint-Denis ? je ne suis pas femme, moi, je n’ai pas soixante ans, je n’habite pas Saint-Denis ! Eh bien, alors ?

Non, voyez-vous, pour bien juger un crime, il faut se poser cette question : De quel ordre est ce crime ? est-il social ou est-il individuel ? Fait-il du tort à la société ou bien n’en fait-il pas ? Un monsieur tue sa femme ou sa belle-mère, il est évident que ça ne fait aucun tort à la société. On peut se dire : "Demain, je rencontre ce monsieur, me fera-t-il du mal ? — Non ! " Eh bien alors, montrons de l’indulgence. Tandis que le dévaliseur de bijouteries, au contraire… Moi, je suis bijoutier, n’est-ce pas, je me dis : "Halte-là, demain il me dévalisera à mon tour ! " Celui-là, je ne le manque pas, par exemple ! et c’est la cause sociale que je défends.

Supposez maintenant qu’au lieu d’un bijoutier, ce même homme détrousse un banquier, un capitaliste ? C’est tout à fait autre chose, parce que là, au contraire, il prend en main l’intérêt social ! Et je le prouve : qu’est-ce qui fait les crises financières ? c’est