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Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/108

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ÉPREUVES MATERNELLES

Mais à l’encontre des autres servantes qui se racontaient volontiers, celle-ci ne dévoilait rien.

Était-elle mariée ou non ? Mme Rougeard ne parvenait pas à le deviner.

Elle n’osait la questionner, arrêtée, elle ne savait par quel sortilège, devant la réserve de cette jeune femme.

Chaque soir, elle déclarait : demain, je lui parlerai… peut-être pourrons-nous l’aider.

Denise lui devenait de plus en plus sympathique, mais elle ne pouvait démêler si c’était à cause du secret qu’elle pressentait ou du charme qui émanait d’elle.

Comme le lendemain, Marie se présenta, la mine encore plus défaite, elle supposa que cette malencontreuse sortie lui avait causé quelque désagrément. Elle eût été bien surprise et fort apitoyée, si elle avait su que la malheureuse avait pleuré une partie de la nuit, tourmentée par la disparition de ses enfants. Des cauchemars enfiévrés avaient hanté son peu de sommeil, lui montrant sa petite fille lui tendant les bras en l’appelant.

Quelle torture elle avait ressentie de se savoir impuissante à rejoindre sa mignonne Rita.

Vers le matin, elle avait reconquis son courage, mais les stigmates de ses inquiétudes restaient sur ses traits.

Mme Rougeard lui dit brusquement :

— Allons, Marie, ne vous contraignez plus avec moi vous savez que ce n’est pas la curiosité qui me pousse à vous demander qui vous êtes… J’ai de l’affection pour vous, et si nous pouvions vous secourir, mon mari et moi, ce serait de grand cœur.

Denise, pleine d’effarement, regarda Mme Rougeard. Sa détresse était si grande qu’elle eut la tentation de répondre à cet appel, de confier son désespoir à cette personne compatissante dont le langage paraissait sincère.

Qu’adviendrait-il de ces confidences ?

M. et Mme Rougeard, dans leur parfait désir de lui rendre service, pourraient-ils changer le caractère de Paul Domanet ?

Il aurait une réponse toute prête : elle s’était enfuie du domicile conjugal.

Un magistrat dirait que la cause était mau-